INTERVIEW-VIDÉO : Lieu de mémoire de l’immigration en Aquitaine, l’usine Ford est menacée. Ayant fait carrière à Ford, des retraités, d’origine Sénégalaise, ont tenu à témoigner de leur solidarité et de leur mobilisation pour la préservation de l’usine.
Construite en 1973, l’usine Ford, qui emploie encore un peu moins de 1 000 salariés, est menacée de fermeture par la décision de l’automobiliste Américain de se retirer. Une mobilisation syndicale, soutenue par les élus, s’est organisée dans la région depuis plusieurs semaines.
Mémoires & Partages, engagée dans la préservation de la mémoire de l’immigration mais aussi pour la défense des intérêts des salariés, est allée à la rencontre des retraités « Fordistes » d’origine Sénégalaise. Ce dimanche 1 avril 2018, Jean-Eric Francoeur, secrétaire général, et Karfa Sira Diallo, fondateur-directeur de Mémoires & Partages, ont été invités à une réunion aux Aubiers (banlieue Nord de Bordeaux). Ils ont recueillis leur parole.
INTERVIEW- VIDÉO avec Messieurs Saydou Seydi, Mamadou MBallo, Youssouf Balde, Moro Seydi et Amadou Baldé
Voici quelques extraits de l’interview qu’ils nous ont accordé:
Amadou Baldé, « Fordiste », 20 avril 1974 – 30 novembre 1991
« Ford est très importante pour la région Nouvelle-Aquitaine…Je me rappelle que dans les années 1974, j’étais à Paris et c’est grâce à un ami qui travaillait à Ford que je suis venu à Bordeaux. A l’époque, je travaillais pour 6 f de l’heure à Paris alors qu’à Ford c’était 8 f de l’heure. C’est ainsi que j’ai été embauché le 20 avril 1974 jusqu’au mois de novembre 1991 où j’ai fait un départ volontaire….S’il y a une importante communauté africaine, c’est grace à Ford. Cela a entrainé une solidarité entre les Africains. Donc s’ils ont des problèmes, notre devoir est d’être solidaire à eux pour que Ford demeure. En tant que responsable de la commission revendicative de l’association des Sénégalais, je ferais en sorte que nous participions à cette mobilisation…Si on a construit des maisons au Sénégal, c’est grâce à Ford. Si on a nos familles ici, c’est grâce à Ford. Donc, il faut être avec eux… »
Mamadou Mballo, « Fordiste », 1974-2007
« Je suis arrivé à Bordeaux le 28 août 1971, nous on est de l’ancienne immigration. On a vécu beaucoup de choses dans l’immigration….J’ai d’abord travaillé dans les raffineries de sucre à Bacalan. J’ai postulé à Ford et on a failli me refuser l’embauche car j’ai été syndiqué à la CGT. Le patronat voulait diviser les salariés. Ce qui est important, il faut fusionner les revendications entre salariés immigrés et salariés français. Je suis parti en pré-retraite en 2007. Il y avait encore beaucoup d’avantages à l’époque. On ne peut pas laisser Ford freiner. Actuellement c’est vraiment dur. Je faisais confiance à Macron mais si on ne se mobilise pas nous perdrons beaucoup de nos avantages…. »
Youssou Balde, « Fordiste », fev 1974 – fev 2007
« C’est une initiative noble de venir en soutien aux salariés de Ford. L’usine Ford est importante. Malheureusement les patrons ne voient que leurs profits. Depuis 1998, on a remarqué que la production baissait. C’est le moment où la direction a commencé à encourager les salariés à quitter l’entreprise. Moi j’ai attendu 2007 pour partir en pré-retraite sans perdre mes avantages. Il est important de s’unir et de défendre les salariés. Mais il est essentiel que les autorités politiques se mobilisent. Elles ne devraient pas laisser une telle entreprise fermer. A la belle époque, il y avait jusqu’à 100 sénégalais qui y travaillaient et faisaient vivre leurs familles. Aujourd’hui tout est mis en place pour disperser les ouvriers… »
Moro Seydi, Saisonnier à Ford, 1988
« Je suis venu pour des études à Bordeaux. Grâce à mon tuteur Sénégalais qui travaillait à Ford, j’ai été saisonnier à Ford. Les immigrés en Aquitaine ont eu beaucoup de chances grâce à Ford. Ils n’ont pas connu le chômage, ils ont connu le plein emploi grâce à Ford. Donc, Ford est un fleuron de l’industrie Française. Durant tout mon parcours, en vivant avec les travailleurs de Ford, j’ai vu vraiment la joie de vivre, les rencontres le week-end. C’est un pan de notre patrimoine culturel qui s’en va, il faut agir. D’abord se mobiliser, être solidaire. Et mettre la pression sur les pouvoirs publics pour que l’entreprise reste, ne ferme pas. Parce que les plans sociaux, ça craint…Si les anciens de Ford sont dans le coup, ça peut faire changer d’avis la direction de Ford. Il faut que les gens bougent et se mobilisent…. «