En avril 1825, la France impose à la jeune république d’Haïti le versement d’une indemnité de 150 millions de francs or aux ex-colons propriétaires dans la partie française de Saint-Domingue. Cette somme réclamée d’Haïti est censée représenter 10% de la valeur, en 1789, de l’ensemble des biens des ex-colons dépossédés par la fin de l’esclavage des noirs et la proclamation de l’Indépendance de la colonie française la plus riche d’Amérique. Pour pouvoir en payer la première annuité, le baron de Mackau obtient que l’État haïtien contracte en 1825 un emprunt sur le marché français dont l’acquittement absorbera un temps jusqu’à plus de 40% du budget annuel haïtien jusqu’en 1922.
Au 18e siècle, l’ancienne St-Domingue est « la perle des Antilles » de la métropole française où 500 000 esclavisés assurent la prospérité de 30 000 colons dont 40 % sont des Bordelais qui ont ainsi le plus largement profité de ces indemnisations.
Qualifiée dés l’origine de « odieuse » et de « rançon », cette indemnité a été essentiellement payée par deux générations de la petite paysannerie haïtienne productrice de café et descendante des esclaves qui avaient pourtant arraché, au prix de leur sang, leur émancipation. Telle une entrave posée jadis à l’esclave, cette « double dette » coloniale a participé, par les mécanismes financiers imposés, à enrayer durablement le développement du jeune État indépendant. Pour l’économiste Thomas Piketty, c’est la valeur de trois années du PIB actuel d’Haïti, 30 milliards d’euros, que la France devrait rembourser à Haïti.
Dans un contexte idéologique où la question de la réparation des conséquences de l’esclavage colonial s’impose, le Bicentenaire de cette indemnité est une responsabilité pour Bordeaux, à qui la relation particulière avec Haïti, confère une responsabilité dans la transmission des enseignements de cette histoire.
Il y a 177 ans, le 27 avril 1848, la France votait le décret de Victor Schoelcher, qui mit fin à la traite et l’esclavage des noirs dans ses dernières colonies.
Bordeaux, de par sa place unique dans l’histoire d’Haïti, doit prendre l’initiative de la question de la réparation pour plusieurs objectifs :
- La réparation éthique : qui qualifie la nature de ce système de déshumanisation (crime contre l’humanité)
- La réparation historique, qui documente les faits sur une base scientifique avant de réparer
- La réparation éducative, afin que le système éducatif dans le monde entier intègre les avancées du savoir sur l’esclavage
- La réparation économique et sociale, qui introduit la dimension financière de la réparation, en montrant comment la carte des marginalisation sociale et la carte de l’esclavage se superposent encore aujourd’hui
Ce dimanche 27 avril, date anniversaire du décret de Victor Schoelcher ayant définitivement aboli l’esclavage colonial en France, Mémoires & Partages, en partenariat avec DARWIN, vous invite à une cérémonie commémorative devant le Buste de Toussaint Louverture (Quai des Queyries, face au Jardin Botanique)
PROGRAMME DE LA CÉRÉMONIE DU BICENTENAIRE DE LA RANÇON DE L’INDÉPENDANCE D’HAITÏ, 27 AVRIL A 12H
- Discours des autorités civiles
- Adresse poétique de Gerda Cadostin (romancière haïtienne)
- Tambour de la Mémoire avec le percussionniste haïtien Claude Saturne
- Hymne haïtien avec l’association Ayiti Boukan Difé
- Dépôt de gerbe
