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BORDEAUX – BAYONNE – DAKAR – LA ROCHELLE – LE HAVRE – PARIS

« La liberté d’expression s’oppose aussi à la police » par Patrick Serres, président de M&P

Le délibéré du tribunal de Bayonne en date du 14 janvier dernier réaffirme un postulat constitutionnel : la liberté d’expression, donc le droit de manifester.

C’est en filigrane ce que la justice de notre pays vient de rappeler et de renforcer par sa décision de relaxer Karfa DIALLO, le Directeur et Fondateur de Mémoires et Partages. Dans le même délibéré il déboute également les deux policiers qui l’accusaient de rébellion aux forces de l’ordre.

Les faits : le 22 août 2020, Mémoires et Partages menait une action citoyenne devant la gare de Biarritz afin d’informer et d’interpeller la population sur la dénomination « La Négresse » d’un quartier de la ville, historiquement baptisé arausta.

Karfa DIALLO, accompagné d’adhérents de Mémoires et Partages, prit la parole devant la gare et quelques minutes après fut interpellé par la police nationale. Malgré les explications apportées sur la nature de notre action, Karfa se retrouva emmené de force sur le quai de la gare, puis plaqué au sol pour ensuite subir une garde à vue de 24 heures dans les locaux de la police à Bayonne.

Quelques semaines après Karfa se voyait accusé et poursuivi au tribunal pour « rébellion » , par deux policiers, dont le commissaire Matthieu Valet, secrétaire national du Syndicat national des commissaires de police.

Comment une telle action très anodine, routinière pourrait-on dire, a t-elle pu se transformer à ce point et atteindre une accusation aussi grave ?

Le contexte fut tout d’abord le premier élément « à charge » contre Karfa, en effet du 24 au 26 août allait se tenir à Biarritz le sommet du G20. La ville fut alors mise en état de siège, quadrillée et occupée par des centaines de policiers, ses habitants assignés à résidence, ne pouvant entrer et sortir que munis d’un laissez-passer. Les consignes du ministère de l’intérieur se voulaient autoritaires.

Cependant, même si ces directives existaient, exonéraient-elles d’une gestion appropriée d’un rassemblement sans aucun trouble, d’une simple prise de parole avec distribution d’informations sens de l’action en cours menée par Mémoires et Partages ?

Exonéraient-elles d’une intervention classique de la police portant à se renseigner sur la nature et la durée de l’action puis après réponses fournies à ces questions laisser celle-ci se poursuivre quelques dizaines de minutes ?  Bien évidemment que non !

D’ailleurs, coïncidence, sur les sept ou huit policiers présents pour quelle raison seuls deux d’entre eux ont cru bon d’en rajouter, à l’étonnement et au désarroi de leurs collègues ?

La justice éclaircit le débat :

Lors de l’audience du 03 décembre 2020, les deux avocats de Karfa Diallo: Maîtres Colette CAPDEVIELLE et William BOURDON démontrent l’incohérence des déclarations des deux policiers entre elles et en contradiction formelle avec les preuves apportées (vidéo de surveillance de la gare, photos et déclarations de témoins). 

Karfa Diallo de son côté n’ayant aucun  mal à répondre à toutes les questions légitimes posées par le juge.

Le délibéré du 14 janvier 2021 ne souffre d’aucune ambiguïté puisque non seulement il relaxe Karfa du chef d’accusation « de rébellion » mais en plus il déboute les parties civiles (les deux policiers) de leur action.

Le délai d’appel du jugement pour les deux policiers et l’Etat (le parquet) arrivent à expiration sans qu’aucun n’utilise cette possibilité !

Que dit en clair ce verdict :

  • Tout d’abord la relaxe fait apparaître clairement l’exemplarité de Karfa au niveau citoyenneté et respect de la loi mais aussi en conséquence Mémoires et Partages puisque l’action a été engagée et est portée par notre association.
  • Concernant les deux policiers, l’arrêté du tribunal reconnaît, en termes juridiques, ce dossier comme une affaire montée de toutes pièces. Premier élément de sentence pour ces deux personnes physiques.
  • Deuxième élément de sentence, rappel du tribunal des règles de déontologie applicables à tous fonctionnaires en exercice, y compris les policiers. Troisième élément de sentence pour l’Etat puisque le parquet a aussi été désavoué.   
  • Quatrième élément et non des moindres l’intangibilité constitutionnelle de la liberté d’expression. Le préambule de celle-ci renvoyant à la déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 et à ses articles 10 et 11. Le droit de manifester étant couplé au précédent et réaffirmé par une décision du conseil constitutionnel en date du 18 janvier 1995 et par l’article 11 de la cour européenne des droits de l’homme.

Mais cette affaire amène un autre commentaire de notre part : la justice de notre pays, manquant cruellement de moyens humains et matériels que devraient lui octroyer l’Etat afin d’assurer du mieux possible sa mission, s’est vu infligée un dossier qui ne relevait en rien de la justice mais simplement du discernement, du bon sens et du contact humain. Notre devoir de citoyen comporte aussi le soutien à une institution centrale de toute démocratie : la justice.

En conclusion, ce jugement nous conforte dans le bien-fondé de l’action citoyenne et anti raciste enclenchée par Mémoires et Partages sur les stigmates stéréotypés et encore présents sur les murs de nos villes, d’appellations de quartiers et autres.

Même argumentée sur l’identité, la culture, le patrimoine ou autres ; une stigmatisation visible, récurrente et ostentatoire ne peut plus et ne doit plus pouvoir perdurer dans nos villes sans une prise de conscience de l’impact vis à vis des personnes ségréguées. Une action concrète, physique permettrait à tous de vivre ensemble dans le respect et la dignité.

Notre action vis à vis de l’appellation du quartier de « la  négresse » à Biarritz conserve donc toute sa légitimité et voit même celle-ci renforcée

Au nom du conseil d’administration de Mémoires et Partages en mon nom personnel, nous tenons à remercier toutes les personnes physiques et morales qui nous ont apporté leur soutien depuis le début et les garantissons que nous continuerons à œuvrer pour le travail de mémoire que nous menons depuis plus de vingt ans, sans relâche, avec détermination et conviction. Nous pensons surtout aux plus jeunes dont les soutiens nous ont particulièrement touchés et dont la teneur nous font croire forcément à un avenir meilleur.

Patrick SERRES, Président de Mémoires et Partages

2 réponses

  1. Le Liberté d’expression, telle que définie par la loi française, est un bien inestimable. Cette affaire en apporte la preuve indéniable.

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