Mouvement d’éducation populaire à la mémoire partagée depuis 1998

BORDEAUX – BAYONNE – DAKAR – LA ROCHELLE – LE HAVRE – PARIS

SIGNEZ LA PÉTITION – RETROUVEZ LES 100 PREMIERS SIGNATAIRES DU PLAIDOYER POUR LA RECONNAISSANCE DE THIAROYE 44

LA TRIBUNE PUBLIÉE DANS LE MONDE DU 23 OCTOBRE 2024 – Il est temps que le massacre de Thiaroye soit officiellement reconnu par la France quatre-vingt ans après ce drame colonial, alors que pour la première fois dans l’histoire militaire, la mention « Mort pour la France » est attribuée par l’État à des soldats morts suite à une exécution extrajudiciaire commise par ses propres services.

Au-delà du discours au Sénégal de l’ancien président François Hollande, le 30 novembre 2014, qui reconnaît, pour la première fois, « la répression sanglante »  menée par l’armée française, il faut que cette reconnaissance produise des effets juridiques, politiques et géopolitiques comme la création d’une commission d’enquête parlementaire sur le drame de 1944, l’ouverture d’un procès de révision pour les Tirailleurs et un travail conjoint d’analyse et d’actions avec les pays africains concernés par cette histoire.

A l’initiative d’une dizaine d’associations et d’élus français, nous réclamons une reconnaissance officielle et une condamnation du massacre des tirailleurs sénégalais à Thiaroye le 1 décembre 1944.

Face à l’urgence d’une géopolitique mémorielle ( politique mémorielle je comprends mais pas géopolitique) respectueuse de la vérité coloniale et des exigences de réparation qui se s’expriment en Afrique et en France, nous, associations, acteurs de la société civile et parlementaires, appelons d’une seule voix l’Etat français à reconnaitre officiellement sa responsabilité dans le massacre et à en tirer les conséquences.

Recrutés depuis 1857 dans tout l’empire colonial français d’Afrique, (et non dans le seul Sénégal contrairement à ce que l’appellation générique de « Tirailleurs Sénégalais » pourrait suggérer), pour renforcer le corps expéditionnaire et faciliter les opérations de conquête et de contrôle du territoire colonial, ces soldats sont par la suite largement enrôlés lors des deux guerres mondiales. Faits prisonniers par les Nazis après la défaite de Juin 1940, ils sont incarcérés en France sous la surveillance souvent de leurs propres officiers français.

La libération du territoire métropolitain va poser la question de la démobilisation, du rapatriement et du rappel de soldes de captivité de ces Tirailleurs recrutés depuis 1940. Nombreux parmi eux, renseignés sur leur droit, réclament leurs arriérés de solde dont le quart, selon les textes réglementaires, doit leur être versé à l’embarquement, et le reste à Dakar, lors de la démobilisation. Si certains, mobilisés contre cette injustice, refusent de monter dans le navire qui doit les ramener en Afrique, les différents rapports évaluent le nombre entre 1 200 et 1 600 – ceux qui débarquent à Dakar le 21 novembre 1944.

Conduits au camp militaire de Thiaroye, le plus grand centre de recrutement, de formation et de mobilisation de l’Afrique Occidentale Française, la plupart d’entre eux, craignant de ne jamais toucher leur argent s’ils sont dispersés dans leurs villages, refusent de quitter le camp sans leurs droits légitimes.

Le 28 novembre, la visite à Thiaroye du général commandant la Division Sénégal-Mauritanie, Marcel Dagnan – le plus haut gradé présent ce jour-là à Dakar –, précipite le drame. Persuadé d’avoir échappé à une prise d’otages organisée par les Tirailleurs du camp, son rapport serivra de justification à une logique répressive qui supplante qui culminera avec la mise à mort des tirailleurs le 1er décembre 1944.

Ce jour-là, des dizaines de Tirailleurs Sénégalais, plusieurs centaines selon certains historiens, ont été exécutés sur ordre d’officiers de l’armée française au camp de Thiaroye. 34 Tirailleurs seront jugés les 5 et 6 mars 1945 et condamnés à des peines allant jusqu’à 10 ans de prison.

Autant de mères inconsolables, de fiancées mortifiées, de pères défaits, de filles traumatisées et de petits-fils amers face à cette injustice, cette instrumentalisation judiciaire et cette oppression postcoloniale qui ont longtemps maintenu dans l’ombre un épisode tragique et si emblématique de l’histoire des répressions coloniales.

Le 30 novembre 2014, le président de la République François Hollande, en visite au Sénégal, avait, dans l’enceinte du cimetière militaire du Camp de Thiaroye, pour la première fois reconnu, « la répression sanglante » qui y a coûté la vie à plus de soixante-dix soldats au moins. Il avait aussi remis les archives numérisées à l’État sénégalais suivant une promesse formulée en 2012. Ce discours a marqué une avancée sur le chemin de la reconnaissance mais, prononcé à l’étranger, il a eu très peu d’écho en France, et n’a pas éteint les questions et les demandes que ce massacre continue de susciter, de part et d’autre de l’Atlantique (pourquoi l’Atlantique ?).

Face à ce déni, en Afrique de l’Ouest, le meurtre de sang froid de ces Tirailleurs est devenu un symbole de l’injustice coloniale et un ferment incontournable des politiques d’affirmation indépendantiste et souverainiste. Ces combats ayant permis de mettre en évidence la violence exercée par l’État Français et la hiérarchie militaire contre les soldats, mais aussi les diverses formes de résistance que cette violence a suscitées depuis le début.

Ainsi, le 18 juin 2024, l’État Français a annoncé l’octroi de la mention « Mort pour la France » à six Tirailleurs Sénégalais (quatre Sénégalais, un Ivoirien et un Burkinabè) tués lors du massacre de Thiaroye. . « Ce geste s’inscrit dans le cadre des commémorations des 80 ans de la libération de la France, comme dans la perspective du 80e anniversaire des événements de Thiaroye, dans la droite ligne mémorielle du président de la République qui souhaite que nous regardions notre histoire « en face » avait indiqué le secrétariat d’État français chargé des Anciens Combattants et de la Mémoire.

Pour la première fois dans l’histoire militaire contemporaine, la mention « Mort pour la France » est attribuée par l’État à des soldats morts suite à une exécution extrajudiciaire commise par ses propres services.

Lors de la Grande Guerre, plus de 600 soldats français furent « fusillés pour l’exemple » entre 1914 et 1918, après décision d’une juridiction militaire intervenant dans un cadre légal précis.

Si dans la plupart des cas, ces soldats métropolitains furent exécutés parce qu’ils s’étaient révoltés contre les conditions épouvantables dans lesquelles la hiérarchie militaire, obsédée par la discipline, les maintenait, avec les Tirailleurs Sénégalais de la seconde guerre mondiale, la décision de les fusiller a été prise en dehors de tout cadre légal. Au mépris du code de justice militaire, aucun tribunal militaire, ni aucun conseil de guerre n’ont été convoqués pour décider des exécutions sommaires qui se sont déroulées le 1er décembre 1944 dans la banlieue de Dakar.

La récente attribution du statut « Mort pour la France » à six de ces Tirailleurs, élément à charge indéniable, nous oblige. De « rébellion armée », ce drame colonial, doit être requalifié par les représentants de la nation française afin de lui donner toute la force symbolique et matérielle qu’implique cette mention « MPF ».

Dans un contexte où la voix de la France est de plus en plus contestée par la jeunesse africaine, à l’occasion du 80e anniversaire de la Libération de la France et du drame de Thiaroye, nous souhaitons un nouveau pas dans l’appropriation de cette mémoire et dans la relation entre la France et les pays africains.

Notre plaidoyer regroupe sept doléances :

·       La reconnaissance officielle par une résolution votée à l’Assemblée Nationale

·       Des excuses formelles de la République

·       Un procès de révision pour les Tirailleurs condamnés

·       Des réparations versées aux descendants des Tirailleurs

·       Une journée nationale du massacre 1er décembre 1944 à l’agenda des cérémonies nationales

·       Un travail conjoint d’analyse et d’actions avec les pays africains concernés par cette histoire

·       Une commission d’enquête parlementaire sur le drame de Thiaroye et sa gestion

La société civile doit s’approprier cette histoire et faire vivre sa mémoire. Aujourd’hui, 27 députés, 11 élus locaux et plus d’une centaine de représentants de la société civile ont déjà signé la tribune pour la reconnaissance officielle et la condamnation du massacre.

  • LES 10 PREMIERS SIGNATAIRES

Colette Capdevielle, député des Pyrénées- Atlantiques (PS), Marie Toussaint, députée européenne (Ecologistes), Armelle Mabon, historienne, Danièle Obono, députée de Paris (LFI), Florent Boudié, député de Gironde (Ensemble pour la République), Eric Piolle, maire de Grenoble (Ecologistes), Jean-Marc Ayrault, président de la Fondation Mémoire de l’Esclavage et ancien premier ministre, Yves Abibou, fils de Antoine Abibou, Tirailleur condamné de Thiaroye 44, Carlos Martens Bilongo, député du Val d’Oise (Ecologistes) et Karfa Diallo, Fondateur-Directeur de Mémoires & Partages

  • PARLEMENTAIRES

Fabien Gay, sénateur de la Seine-Saint-Denis (PC)
Monique de Marco, sénatrice de la Gironde  (Ecologistes)
Ségolène Amiot, députée de Loire Atlantique (LFI)
Nicolas Thierry,  député de la Gironde (Ecologistes)
Damien Girard, député du Morbihan (Ecologistes)
Aurélien Taché, député  du Val d’Oise (LFI)
Alain David, député de la Gironde (PS)
Loïc Prudhomme, député de la Gironde (LFI)
Steevy Gustave, député de l’Essone  (Ecologistes)
Thomas Cazenave, députée de Gironde  (Ensemble pour la République)
Olivier Serva, député de Guadeloupe (LIOT)
Max Mathiasin, député de Guadeloupe (LIOT)
Christophe Marion, député du Loir et Cher (Ensemble pour la République)
Jean-François Coulomme, député de la Savoie (LFI)
Emmanuel Fernandes, député du Bas-Rhin (LFI)
Mathilde Feld, députée de Gironde (LFI)
Aly Diouara, député de Seine-Saint-Denis (LFI)
Dieynaba Diop, députée des Yvelines (PS) 
Peio Dufau, député des Pyrénées-Atlantiques (Euskal Herria Bai)
Clémentine Autain, député de Sevran (Ecologistes et Social)
Mélanie Thomin, député du Finistère (PS)
Léa Balage, député de Paris  (Ecologistes)
Pouria Amirshahi, député de Paris (Ecologistes)
Christophe Bex, député de Haute-Garonne (LFI)
Paul Christophle Paul, député de la Drôme
Karen Erodi, Députée de la 2ème circonscription du Tarn (LFI)

  • REPRESENTANTS DE LA SOCIETE CIVILE :

Catherine Coquio, écrivaine
Rokhaya Diallo, journaliste
Me Hervé Babanaste, avocat
Martin Mourre, historien
Doudou Diène, diplomate
Eva Doumbia, metteure en scène
Emilien Abibou, petit fils de Antoine Abibou
Serge Bilé, écrivain
Constance Rivière, Directrice de la Cité Nationale sur l’Histoire et la mémoire de l’Immigration
Me François Pinatal, avocat
Elisabeth Moreno, entrepreneure et ancienne ministre
Philippe Barre, Darwin
Patrick Serres, président de Mémoires & Partages
William Bourdon, avocat
Elodie TUAILLON-HIBON, avocate
Françoise Vergés, écrivaine
Pierre-Yves Bocquet, ancien conseiller à la présidence de la République
Pierre Franklin Tavares, philosophe
Oumar Diallo, responsable associatif
Véronique Giroud, enseignante
Julie ESSONO ESSOMBA, assistante administrative
Hugues DIAZ, conseiller aux affaires culturelles
Mvemba Dalinie, journaliste
Claudy Siar, journaliste
Gael SAINT-MARC, indépendant
Florian Burundi, technicien
Thiongane Doudou, technicien
Michel Favard, professeur retraité de l’Education Nationale
Jean François Renault, citoyen
Aurore Andrieu, militante politique
Ibrahima Gueye, étudiant
Joseph Ndione, T.I.U.S
Hyacinthe Diouf, président Amicale Franco Sénégalaise de Bourgogne Franche Comté 
Véronique Aby- Assegninou, enseignante
Mbaimou Auxence NGREMMADJI, étudiant
Jean Raoul Evrard, architecte
Hassane Abakar Hisseine, chercheur
Xavier Durang, citoyen
Joel Coutausse, auteur
Djim Nadoum, informaticien
Bintou Dembele, artiste
Kholoma Traoré, comédien
David Jourdan, secrétaire
Ablaye Yaly, président Association Sénégalais de Poitiers
Virginie Andriamirado, rédactrice
Mbaye Thiam, enseignant chercheur Université Cheikh Anta DIOP Dakar
Eric Braflan, artiste
Sylvie CHALAYE, enseignante-Chercheur, directrice du laboratoire SeFeA
Sandra Nkaké, artiviste
Anicet Djehoury, animateur technique
Denis Mercier, LDH Paris
Isabelle Do Nascimento Lopes, animatrice
Jean Claude Djian Diomandé, fils du survivant du massacre de Rouen par les nazis le 9 juin 1940
Laurette Yakam Djomo epse tchoua, monitrice auto école
Laurine Gomis, président Ile de France Mémoires & Partages
Marianne Ravaud, citoyenne
Pierre Philippe Fouillen, retraité
Bernard Sarlandie, retraité
Marie Thomas-Penette, réalisatrice
Dominique Mazon, citoyenne
Chems Amrouche, musicienne
Sylvie QUERAUD, retraitée
François-Xavier Destors, réalisateur
Bara Diokhané, avocat
Antonio Gracia Molero, retraité
Hadamou Timera, chargé de clientèle
Lengnougoubané Timera, citoyen
Boris Girka, ingénieur informatique
Nicole Breton, retraitée
Malo Mabon, ingénieur
Christian Gaspard, citoyen
Rodolphe Custos, agent commercial en immobilier 
Valérie Brixhe, enseignante
Wicem Gindrey, journaliste
Jean-Christophe Celeste, sérigraphe textile 
Clarisse Gomis, conseillère emploi formation
Yves Abibou, retraité & descendant d’un tirailleur condamné de Thiaroye 44
Marie-Flore Lollia, consultante
Michele Ledroit, retraitée
Abdourahmane Ndiaye, enseignant-chercheur
Marine Mabon, salariée
Fidel Amoussou-Moderan, doctorant histoire

  • ELUS LOCAUX :

Eric Piolle, maire de Grenoble (Ecologistes)
Jacques Martial, adjoint à la Maire de Paris chargé des Outre-mer (PS) Isabelle Larrouy, conseillère régionale Nouvelle-Aquitaine (PCF) Jean-Luc Armand, conseiller régional Nouvelle-Aquitaine (PRG)
Agnès Dione, conseillère municipale Poitiers (Ecologistes)
Olivier Escots, adjoint au maire de Bordeaux (PC)
Sam Ba, Vice-président de la communauté Territoires Vendômois (Horizons)
Didier Damestoy, conseiller régional Nouvelle-Aquitaine (Générations)
Philippe Poutou, conseiller municipal Bordeaux (NPA)
Katia Bourdin, conseillère régionale Nouvelle-Aquitaine  (Ecologistes)
Christine Seguinau, conseillère régionale Nouvelle-Aquitaine  (Ecologistes)
Aïssata Seck, conseillère régionale Ile de France (Générations)
Amandine Dewaele, Conseillère Régionale Nouvelle-Aquitaine  (Ecologistes)

4 réponses

  1. En espérant qu’on n’aura pas le culot de les déclarer mort pour la France, mais assassinés par la France.
    Et l’assassinat des fusillés pour l’exemple de la grande guerre « dans un cadre légal » ne vaut pas mieux que l’assassinat extralégal. C’est toujours le même pouvoir qui assassine les peuples

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