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BORDEAUX – BAYONNE – DAKAR – LA ROCHELLE – LE HAVRE – PARIS

RUES DE BORDEAUX – Que sont ces «sentes » qui vont honorer Rosa Parks et Frantz Fanon ?

N’ayant toujours pas trouvé de solution aux rues de négriers, la ville tente, maladroitement, de faire une place à la mémoire de la diaspora africaine.

« Nous ne voterons pas cette délibération. Rosa Parks et Frantz Fanon méritent mieux que cela ! »

En effet, c’est par une « sente » définie par le dictionnaire comme une « voie étroite qui jalonne un espace naturel tel que les bois sans repère ni marquage. Son entretien est au mieux sommaire, voire inexistant selon la fréquentation» que Bordeaux va honorer des figures essentielles du combat pour l’émancipation : Rosa Parks et Frantz Fanon.

C’est dans son dernier conseil municipal du 17 décembre 2018 que la ville de Bordeaux a décidé d’attribuer des sentes à deux figures majeures du combat pour l’émancipation : Rosa Parks et Frantz Fanon.

C’est Jean-Louis David, l’adjoint au maire chargé de la vie urbaine qui a présenté la délibération 2018/558 chargée d’attribuer de nouveaux noms de voies dans le quartier Bordeaux Maritime qui jouxte ce port par lequel 500 bateaux sont partis déporter 150 000 esclaves du 16e au 19e siècle.

Le seul commentaire de Mr Juppé, en ouvrant le débat, a été d’indiquer qu’il « serait pas mal qu’on cherche des personnalités qui ont un lien avec Bordeaux… »

La première conseillère municipale à dégainer fut Catherine Bouilhet. L’élue  du Rassemblement national n’y est pas allée par quatre chemins. Selon elle, son groupe « a examiné avec attention la liste des noms et n’a rien trouvé à dire jusqu’au moment où nous avons vus, avec stupéfaction, le nom de Frantz Fanon. Que cette proposition digne de l’extrême gauche la plus radicale vienne de votre majorité a de quoi sidérer à plus d’un titre. Tout d’abord à l’heure où notre pays fait face au terrorisme il apparaitra hautement déplacé de rendre hommage à un homme qui a justifié le terrorisme contre des populations civiles au nom de la lutte contre le colonialisme. Jusqu’au point de renier sa nationalité française pour rejoindre le FLN algérien. Ensuite, vous ne pouvez ignorer, Mr le Maire, que notre pays connait dans ses facultés une offensive des soi-disants colonialistes pour qui tout homme blanc est une cible à abattre. Voulez-vous encourager un vent mauvais qui conduit le pays au minimum à la haine généralisée ? Il ne s’agit pas ici d’engager un combat philosophie mais à tout prendre pourquoi ne pas honorer Albert Camus ? La nomination de Frantz Fanon est l’unique raison pour laquelle nous ne voterons pas cette délibération. »

Matthieu Rouveyre du Parti Socialiste sera plus incisif et pertinent, même s’il indique que son groupe « votera pour cette délibération…Il faut faire attention à l’adéquation entre la rue, sa taille et la dimension de la personne honorée. On sait qu’une sente c’est un chemin voire une c’est un petit chemin. Le nom de Rosa Parks qui est considéré comme la figure emblématique de la lutte contre la ségrégation raciale aux USA. Lui réserver une sente c’est un peu inadapté. IL faut faire attention au symbole. On a aussi l’impasse Toussaint Louverture…. »

Délibération votée donc, par le Conseil municipal, ce 17 décembre 2018 à 18h15, à l’exception du Rassemblement national !

Pour autant, selon Karfa Sira Diallo « Mémoires & Partages informée de ce projet de délibération a essayé d’alerter certains élus sur l’inadéquation manifeste entre cette volonté d’hommage et la dimension des voies choisies par la municipalité.

Depuis 20 ans, nous avons d’abord essayé d’attirer l’attention sur l’ironie, pour le moins, à ciel ouvert, de l’impasse Toussaint Louverture (quartier Nansouty). Continuer de dénommer une voie sans issue au héros de l’indépendance d’Haiti et au-delà du combat pour la liberté est ressentie par beaucoup comme un signe de mépris des légitimes luttes des captifs africains et de leurs descendants.

Et, depuis 10 ans, nous avons mis à jour, les vestiges urbains de l’histoire négrière et esclavagiste de Bordeaux, Nantes, La Rochelle et le Havre. Ici, Bordeaux, s’illustre, encore une fois, en abritant le nombre le plus important de rues honorant ceux qui ont commandité, exécuté  et profité de ce crime contre l’humanité. Cependant, à l’inverse de certaines positions, notre revendication est pédagogique. Nous demandons l’apposition de plaques explicatives sur ces édifices comme pour que nul n’oublie le crime.

Si la ville de Nantes a répondu favorablement et édifié une plaque sur la principale rue négrière, la rue Kervégan, Bordeaux, avec La Rochelle et le Havre, reste réticente à un travail sérieux de reconnaissance et de réparation.

C’est pourquoi, nous ne voterons pas cette délibération. Car Rosa Parks et Frantz Fanon méritent mieux que cela ! »

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