A l’issue de la Marche, une adresse solennelle pour la célébration permanente de notre citoyenneté, la plus précieuse de nos humanités.
Aux candidats à l’élection présidentielle 2017,
Aux français, aux citoyens
MANIFESTE DE LA PLEINE CITOYENNETÉ POUR TOUS
Nous sommes arrivés à la fin d’un monde où pouvaient exister des Etats hermétiquement fermés, homogènes quant aux origines de leurs populations et pouvant se passer des flux migratoires.
Nous entrons dans un monde en mouvement, un monde dynamique, un monde sans cesse en ouverture où plusieurs individus d’origines diverses se croisent, fusionnent et convergent vers un même intérêt.
La France est dans ce Monde, et comme ce Monde, elle ne peut pas ne pas être en mouvement, en ouverture, qu’en dépassant le schéma suranné consistant à penser que son peuple serait essentiellement d’origine européenne de souche.
Schéma qui laisserait penser que seule cette population française de souche européenne serait légitime à accéder à l’exercice d’une pleine citoyenneté et qu’une autre composante de la population française dont l’origine est extra européenne, serait suspecte dans sa légitimité à être citoyen français et partant, verrait sa citoyenneté complètement démembrée par son manque d’effectivité.
La France pour prendre sa place, et toute sa place dans ce Monde, doit réconcilier les contradictions qui sous-tendent l’exercice des droits inhérents à la citoyenneté de tous ses citoyens.
A l’occasion de cette Marche de la Pleine Citoyenneté, tout au long des 15 villes que nous avons traversées, à la rencontre de ce peuple de France, nous avons pu accéder à une singulière radioscopie de l’état de la citoyenneté. Dans l’urgence où, malgré notre niveau de conscience connectée, des milliers de personnes se heurtent aux barbelés, aux « frontières-guillotines », nous risquons de sombrer dans un abîme où la citoyenneté perdrait ses fondements.
Tout examen honnête de la vie nationale montre à quel point nous sommes loin de l’idéal de liberté, d’égalité et de citoyenneté qui a animé ce pays à l’origine. Si nous ne sommes pas à la hauteur de ce diagnostic, nous serons responsables de l’un des échecs les plus remarquables de l’histoire des nations.
Renvoyer sans cesse, et toujours, des français d’origine extra européenne à leurs origines, c’est générer une prédisposition psychologique dangereuse car radicale. La question de l’identité sert principalement, dans ce pays, à dissimuler le problème plus grave de la citoyenneté.
Tout au long des routes, des semaines et des jours de ce périple, le plein exercice de la citoyenneté française est revendiqué par des citoyens qui refusent la résignation devant les inégalités et les injustices. Les français nous disent que la vérité de la citoyenneté réside dans son usage. Que l’existence de citoyens entièrement à part est ressentie comme une conspiration contre l’épanouissement des talents. Que leur plus ardent désir est que tous soient des citoyens à part entière. Qu’un sujet comme celui-ci ne saurait être laissé entre les seules mains des politiciens et des experts. Que les citoyens ont l’obligation de s’en saisir pour déclencher des tressaillements, des images nouvelles, un imaginaire nouveau, ces « armes miraculeuses » dont parlait Aimé Césaire.
Non seulement pour assurer un accès plus simple aux emplois dit de « cadre », à un logement décent dans des villes dont les services municipaux sont de qualité, à l’exercice de la représentation nationale tant lors des élections législatives que présidentielles, et dans l’exercice des fonctions ministérielles.
Arracher les masques de la République et contester la dé-citoyennisation en cours par l’abandon du statut de « français de réserve » dans lequel la République, par ses trahisons successives, tient nos concitoyens marqués par une différence sociale, ethnique et physique.
Les tensions dont la vie française est l’origine sont traitées par les représentants politiques surtout par la contrainte : en somme les politiques publiques sont plus le symptôme de notre tension que le résultat de leur examen systématique.
L’heure est venue pour nous de nous livrer à un examen autocritique, mais nous ne pourrons le faire que si nous sommes prêts à nous libérer du mythe de la France et à essayer de découvrir ce qui se passe réellement dans notre pays.
Discuter la légitimité de certains français à être français, c’est légitimer inconsciemment, implicitement un démembrement de leur citoyenneté, la restreindre, la limiter aux seuls besoins vitaux consistant à se nourrir, à se vêtir, et à se loger, sans se soucier de leurs implications effectives et concrètes dans la conduite des affaires de la cité.
La pleine citoyenneté comporte en elle la liberté et l’égalité, ces premières valeurs qui fondent la République. La liberté en ce qu’elle comporte en elle tous les germes des destins possibles qu’un citoyen français est en droit d’attendre de son pays.
L’égalité en ce que, de ces destins possibles infinis, il ne saurait y avoir d’obstacle que celui que l’état actuel des connaissances humaines ne saurait vaincre.
Ainsi, qu’importe son origine, ou celle de ses parents, un citoyen français devrait être mis en situation d’être élu pour exercer la souveraineté du peuple, d’être choisi pour exercer une fonction ministérielle, de suivre une formation dans une école de son choix, de trouver un logement dans la ville de son choix, de ne pas craindre un contrôle de police et d’accorder sa confiance aux institutions républicaines.
Ce sont ces possibles, sans être exhaustifs qu’offre la pleine citoyenneté : elle rend libre. Restreindre la liberté d’une catégorie de sa citoyens, c’est accumuler des frustrations qui préparent les conflits de demain.
Aussi, les marcheurs de la pleine citoyenneté proposent aux candidats à l’élection présidentielle :
- Travailler avant tout à déconstruire la prédisposition inconsciente consistant à renvoyer toujours, et toujours, les français différents, minoritaires par leurs différences, à leurs origines extra européennes ;
- Eriger « l’éducation populaire à la mémoire partagée » comme axe majeur de la politique de la ville ;
- Instituer des mécanismes permettant aux élus locaux d’assurer l’effectivité de l’exercice des droits des citoyens ;
- Mettre en place des Ecoles Citoyennes de mémoires dans toutes les villes afin de transmettre la conscience partagée de l’histoire des conquêtes de la citoyenneté ;
- Promouvoir la diversité dans la représentation nationale et dans l’exercice des fonctions électives ;
- Accorder le droit de vote aux élections locales aux immigrés résidents en France depuis 5 ans.
Ce n’est qu’en travaillant avec les outils qui permettent d’amoindrir puis d’éteindre dans l’inconscient collectif le lien supposé entre « différent » et « étranger » que la France saura tirer le meilleur du Monde nouveau dans lequel nous sommes entrés, où le concept d’une nation habitée par des semblables homogènes est devenu un vestige du monde ancien.
L’intensité relationnelle dans laquelle notre pays est projetée nous expulse définitivement hors de l’archaïsmes de nos communautés traditionnelles. Nous voulons donc renouveler nos imaginaires pour participer à l’édification d’un nouveau monde, déclencher de nouvelles images porteuses de revitalisations de nos fraternités, de nos citoyennetés enfin réelles.
La Marche de la pleine citoyenneté, Mairie XVIIIe Paris, 01 avril 2017
Une réponse
Bonne continuation