Partager des mémoires ouvertes digues contre l’intolérance et la violence.
A la suite du terrible attentat qui a frappé la France et l’humanité entière, la Fondation du mémorial s’est mobilisée trés tot pour exprimer sa compassion et sa solidarité aux victimes et leurs familles. Mais aussi par sa présence dans les manifestations de soutien appelées par la société civile. D’abord à la première du 7 janvier au Parvis des Droits de l’Homme où Karfa Diallo, interviewé par rue89, a déclaré:
« Cet acte d’une lâcheté innommable se comprend dans le climat de haine exacerbée par la crise économique et l’intolérance religieuse. Il est important d’éviter tout amalgame et je suis ulcéré qu’on lie le nom de mon Dieu à cet assassinat. Je suis musulman, et je n’ai aucun problème à ce qu’on critique ma religion ou mon prophète. Si je peux faire des visites du Bordeaux négrier, c’est parce que je suis protégé par ce même droit à la liberté d’expression. Et quand on voit ce monde ce soir, on sait que ses adversaires ne triompheront pas. Charb et Cabu partis, ils continueront de vivre en nous ».
Le président de la Fondation du mémorial qui connaissait personnellement Charb (qui a débuté au Cinéma Utopia de Bordeaux) a aussi tenu à dire sur sa page FaceBook:
« C’est dans ce cinéma ou se trouve notre siége que j’ai rencontré Charb pour la premiére fois. Ses petits yeux moqueurs m’ont aussitot convaincus et bien des collaborations y sont nées autour du mouvement Couleurs Bordelaises et de l’épineuse question mémorielle locale. Toutes mes condoléances à sa famille mais aussi aux amis d’Utopia. Charb, Cabu et tous les autres continueront de vivre tant que nous continueront à être dignes de l’ideal republicain. »
Représentée par Jean Eric Francoeur, secrétaire général, la Fondation du mémorial a participé au comité d’organisation de la grande manifestation bordelaise du 11 janvier 2015, aux cotés des organisations militantes locales.
Karfa Diallo a aussi rejoint l’appel d’Alain Juppé, maire de Bordeaux, qui, dans le cadre de Bordeaux Partages, a réuni toutes les confessions de Gironde a exprimer leur solidarité et leur refus des amalgames. C’est ainsi qu’une marche dirigée par l’Imam Tareq Oubrou, et des représentants des principaux cultes, s’est ébranlée de la mosquée de Bordeaux vers l’Hotel de Ville.
L’occasion pour le président de la Fondation, en déplacement à Dakar depuis le 1o janvier, de s’interroger « sur les enjeux de citoyenneté et de justice que soulèvent le terrible assassinat et la mobilisation politique et populaire du 11 janvier. Ce débat critique est aussi le meilleur exemple de la maturité de nos opinions publiques et donc de la vigueur de la liberté d’expression en Europe et en Afrique. Comme à Paris où nombre d’amis intellectuels et militants expriment l’exigence, maintenant, de dépasser l’émotion, la rue dakaroise est aussi partagée sur ce soudain consensus mondial et surtout sur la présence des chefs d’Etats africains.
Aussi je m’interroge: Ne pourrait-on être à la fois Charlie, Musulman, Africain, Chrétien, Indien, Américain, etc? Quelle est cette prétention et cette intolérance à se croire détenteur du seul modèle qui vaille et sauve? Ne voit-on pas qu’aucun de ces modèles, qu’ils soient religieux ou politiques, n’a encore résolu la question fondamentale de l’injustice? Est ce parce que nos dirigeants faillissent à leurs obligations, qu’il faut s’opposer à toutes leurs actions? Doit-on perpétuellement être asservi à cette rhétorique complotiste qui ne fait de nous que des éternels victimes? Pourquoi est-on obligé de reproduire indéfiniment cette logique de mémoire close? A quand des mémoires ouvertes sur l’universalité de notre condition? Quand serons-nous dignes des valeurs républicaines et confessionnelles que nous proclamons?
Puisse ce malheur nous ouvrir les yeux sur tous les « petites violences » que nous tolérons lâchement et quotidiennement, que nous soyons chefs d’Etat, de famille, citoyen, etc! »
La Fondation du mémorial de la traite des noirs rappelle l’importance d’un travail de mémoire serein et apaisé sur l’histoire de la mondialisation pour développer une éducation à des mémoires ouvertes, intégratrices du « tout-monde » dans les histoires nationales, partageant les souffrances et valorisant l’universalité des combats pour la liberté et la justice.