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DISCOURS ABOLITION DE L’ESCLAVAGE – «Nous ancrer dans la lignée d’Olympe de Gouges» Frédérique Tuffnell, Députée de Charente-Maritime

IMAGES & DISCOURS – Devant le Musée national de la Marine de Rochefort, dans le cadre du 173e anniversaire de l’abolition de l’esclavage, la députée Frédérique Tuffnell a exprimé les enjeux du devoir de mémoire.

En présence de l’adjointe au maire de Rochefort Caroline Campodarve, du directeur du Musée de la Marine, du président de Mémoires & Partages, Patrick Serres, du fondateur-directeur, des membres de l’antenne rochelaise Mémoires & Partages La Rochelle.

DISCOURS DE MADAME FRÉDÉRIQUE TUFFNELL DEPUTEE DE CHARENTE-MARITIME

Madame l’adjointe au Maire de Rochefort, Mesdames, messieurs les présidents d’associations, Mesdames, Messieurs,

Nous commérons, aujourd’hui le 173ème anniversaire de l’abolition de la traite et l’esclavage. C’est une cérémonie importante qui touche aux valeurs fondamentales de notre République.

2021 c’est aussi l’année du 20 ème anniversaire de la loi Taubira, faisant de la France le premier État à déclarer la traite négrière et l’esclavage « crime contre l’humanité́ ».

Commémorer l’abolition de la traite et de l’esclavage, c’est faire œuvre de vérité. Oui La France participa, de manière active, à ce commerce d’êtres humains. Durant des siècles, des millions d’esclaves furent enchaines, battus, asservis, déportés. Durant des siècles, on leur retira leur nom d’homme, on les assimila à du bétail.

Le code noir, qui a séjourné dans le droit français pendant près de deux siècles, considérait l’esclave comme un meuble et stipulait :

« Pour le voleur : la mort.

Pour celui qui a frappé son maître : la mort.

Pour le fugitif : les oreilles coupées et une marque au fer rouge.

Pour le récidiviste : le jarret coupé et une deuxième marque au fer rouge.

 A la troisième tentative : la mort. »

En 1802, Napoléon qui n’était alors que Premier Consul – avait rétabli sans état d’âme l’esclavage aboli par la Révolution. Il avait même laissé s’instaurer un régime colonial plus ségrégationniste que sous la monarchie.

Et durant tous ces siècles, un long cri de douleur continuait à résonner. Ce cri était celui dont parlait Aimé Césaire dans son poème « Cahier d’un retour en pays natal » :

« Et ce pays cria pendant des siècles que nous sommes des bêtes brutes (…) J’entends de la cale monter les malédictions enchaînées, les hoquettements des mourants, le bruit d’un qu’on jette à la mer… les abois d’une femme en gésine… des raclements d’ongles cherchant des gorges… des ricanements de fouets… des farfouillis de vermine parmi les lassitudes… ».

Des mots forts !

Quinze à trente millions de personnes, selon les historiens, femmes, enfants, hommes, ont subi la traite et l’esclavage et probablement, au bas mot, soixante-dix millions, si nous retenons l’estimation qui établit que, pour un esclave arrivé aux Amériques, quatre ou cinq ont péri auparavant.

Et le commerce triangulaire a été pratiqué aussi bien à titre privé qu’à titre public pour des intérêts particuliers comme pour  la raison d’État.

Mesdames, Messieurs, cette journée nous invite à se souvenir, à avoir le courage de regarder le  passé en face, le passé de notre histoire de France mais  aussi celui de Rochefort , qui a vu partir une vingtaine d’ expéditions dans les années 1780 à bord de « l’Expérience », du « Pérou » ou de « l’ Indien », Après que , en 1770 les notables locaux aient envoyés une requête au roi de France pour être autorisés à participer à la traite.

Cette journée, nous invite aussi, à expliquer aux jeunes générations ce qu’était l’esclavage.

Je veux saluer ici, le rôle des enseignants, des écrivains, des journalistes, les associations comme Mémoires et Partages, dans le travail de mémoire autour de la traite négrière et de l’esclavage et dans sa transmission aux jeunes générations.

Commémorer l’abolition de la traite et de l’esclavage, ce n’est pas seulement panser les blessures profondes laisser par cette période douloureuse de notre histoire commune, c’est également nous ancrer dans une lignée de femmes et d’hommes qui, d’Olympe de Gouges à Victor Shoelcher n’ont jamais cessé de lutter pour porter l’idéal de liberté́ et d’égalité́.

C’est aussi, honorer tous les anonymes qui, par leurs combats pour l’abolition, ont contribué à dessiner le visage de notre République et à forger son identité́ humaniste.

Victor Schoelcher, écrivait dès 1842 dans son ouvrage « Des colonies françaises »: « que l’esclavage soit ou ne soit pas utile, il faut le détruire ; une chose criminelle ne doit pas être nécessaire. La violence commise envers le membre le plus infime de l’espèce humaine affecte l’humanité entière (…). La liberté d’un homme est une parcelle tout à la fois ».

Mesdames, Messieurs la portée de cette commémoration doit prendre aujourd’hui une dimension universelle, qui trouve son prolongement, au-delà de nos frontières dans la lutte contre les esclavages contemporains.

En effet si le combat de l’abolition est achevé, celui du respect de la liberté et de la dignité de la personne humaine doit pour autant se poursuivre. Trop d’enfants, à travers le monde, sont encore de nos jours condamnés à travailler dès leur plus jeune âge dans des ateliers clandestins, trop de jeunes filles sont encore vendues par leur famille pour devenir des domestiques sans salaire ou d’autres, arrachées à leurs villages, expédiées au loin et soumise à la prostitution.

Toutes ces formes d’asservissements modernes intolérables restent autant d’insultes à la dignité humaine.

Nous le savons, tout meurt, tout disparait sauf la pensée, la mémoire et cette journée permet de se souvenir d’images impossibles à chasser que la mémoire enferme à jamais.

Je vous remercie,

Frédérique Tuffnell, Députée de Charente-Maritime

Rochefort, le 5 mai 2021

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