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BORDEAUX – BAYONNE – DAKAR – LA ROCHELLE – LE HAVRE – PARIS

TRIBUNE – « Rien de majeur ne peut se passer sans l’énergie et les voies/voix des femmes africaines »

A L’occasion de la journée internationale de la femme africaine *, l’universitaire Odome Angone réactive le rôle des femmes dans les processus d’émancipation

Les célébrations rendent hommage à nos actes pour les galvaniser. Ce sont des instants fugaces de grande euphorie qui peuvent parfois verser dans la frivolité lorsque le sujet du discours s’insinue en objet dérisoire voire en instrument de dérision. 

Jamais, je n’ai connu de femme aussi forte qu’africaine. Le dire ainsi peut être catalogué arbitraire lorsque l’illustration est une autodéfinition. Je crois aussi que l’heure de l’auto-célébration a sonné. Nous avons grandi dans l’inhibition par excès, percluses dans une extrême discrétion, gage de « bonnes valeurs » sans consentement, allant à l’effacement. Or nous ne sommes pas des étoiles filantes nous sommes l’épicentre de la nouvelle conscience africaine dont je fixe le kilomètre 0 à l’an 2020.

Rien de majeur ne peut se passer en Afrique et au sein de sa diaspora sans l’énergie et les voies/voix des femmes africaines. En prendre conscience n’est pas une option, encore moins une doléance, c’est un droit qui restitue qu’une norme crédible ne peut avoir plus d’exceptions que la norme elle-même, pour (a)voir notre voie/voix dans tous les espaces de visibilité institutionnelle. 

Ma modeste expérience m’a donné le privilège de côtoyer aussi bien la cime des okoumé que les racines des kevazingo, aussi bien les branches d’ébène que les coeurs de baobab. L’en-commun qui nous unit me ramène à la puissance matricielle d’une hargne que rien ne peut nous fléchir. 

Il n’y a rien de grand qui ait pu nous arriver que l’on ait pu surmonter parce que nous sommes. 

Je pense spécialement:

  • aux femmes-courages du Rwanda post-génocide à qui Scholastique Mukasonga rend hommage dans un de ses romans,
  • A celles qui n’attendent (plus) le retour aléatoire d’un fiks/mari pour se prendre en main que raconte Fatou Diome dans un de ses romans
  • Aux femmes entrepreneuses dans tous leurs états,
  • Aux familles monoparentales dont les femmes tiennent majoritairement les rênes,
  • Aux femmes qui ont surmonté des viols dans un contexte de droit précaire,
  • A celles qui font « La navette de Lagos » en traversant les frontières politiques pour briser les lois migratoires iniques afin de donner un autre départ, une nationalité sans sans-frontière, à leurs nouveaux-nés,
  • A la génération des grands-mères qui ont osé redéfinir les patrons du patriarcat sans réseaux sociaux pour faire entendre leurs voix hors des sentiers battus,
  • A la génération de ma mère qui s’est sacrifiée pour que nous soyons dignes…

Nous avons grandi pour nous hérisser les unes contre les autres en concurrentes d’un combat à l’aveuglette fixé par autrui or c’est en nous réseautant que plus que jamais nous serons ENSEMBLE.

Nous avons intériorisé des exigences et des urgences exogènes pour plaire à tout le monde au détriment de nous-mêmes or c’est en nous projetant à l’intérieur de nos élans propres que plus que jamais nous serons ENSEMBLE 

Nous avons laissé régenter notre corps au point de le surfaire risquant par ricochet notre vie, chaque jour, or c’est en nous redécouvrant dans toute l’étendu de notre héritage ancestral que plus que jamais nous serons ENSEMBLE

Nous ne pouvons plus être égarées plus longtemps. 

Aujourd’hui, je serai dans un hôtel avec d’autres femmes pour célébrer la JOURNÉE INTERNATIONALE DE LA FEMME AFRICAINE. Je suis consciente que certains lieux de célébration sont des espaces de sélection et donc d’exclusion. Je suis aussi consciente que la femme africaine est une invention politique, qu’elle n’est donc ni monolithique ni essentialisable.

Elle est riche dans toute sa diversité. Je sais aussi que toute femme au pouvoir n’est pas nécessairement une femme de pouvoir mais une femme du pouvoir bien que souvent tout se (con)fonde par glissement sémantique…

« Il n’y a rien de grand qui n’ait pu nous arriver à nous femmes que nous n’ayons pu surmonter », c’est une maxime qu’une grand-mère de près de 90 ans m’a récemment enseignée, pourtant nul n’aurait parié, par ses propos, qu’elle me rappelait les fondements d’un féminisme africain « empoderado » (je ne trouve pas de mot en français) et multiséculaire.

NOUS SOMMES PARCE QUE NOUS BRILLONS ET NUL NE PEUT CACHER LE SOLEIL AVEC LA MAIN
EXCELLENTE JOURNÉE INTERNATIONALE DE LA FEMME AFRICAINE A TOUTES.

Odome Angone

Odome Angone est née à Mitzic, dans le Nord du Gabon. Professeure de Littérature afrodiasporique d’expression française et espagnole (postcolonialité, littérature comparée, etc.), elle est actuellementent en poste à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar en qualité d’enseignante-chercheure au Département des Langues et Civilisations Romanes. Ses axes de recherches s’intéressent à l’extraterritorialité, les identités africaines et afrodescendantes (Afrique, France, Espagne, Amérique Hispanique). En tant qu’espace paradigmatique de l’extraterritorialité, elle refléchit depuis quelques années sur les imaginaires du numérique en général et, plus exactement, sur l’impact des réseaux sociaux sur la communication politique et institutionnelle au Sud du Sahara. Contact: ferduliszita.odomeangone@ucad.edu.sn

Journée internationale de la femme africaine

Le 31 juillet a été consacré « Journée de la femme africaine » à l’occasion du premier congrès de l’Organisation Panafricaine des Femmes (PAWO en anglais) qui s’était tenu à Dakar, au Sénégal, le 31 juillet 1974.

La date historique de 1962 souvent retenue pour cette journée est le 31 juillet 1962. Ce jour là, à Dar es Salaam (Tanzanie), des femmes de tout le continent africain s’étaient réunies pour la première fois et avaient créé la première organisation de femmes, la « Conférence des Femmes Africaines » (CFA).

Le rôle historique joué par les femmes en Afrique témoigne de leur capacité de réaliser et conduire les changements sur le continent. Souvenons-nous que les peuples africains se libéraient alors peu à peu de la tutelle des pays colonisateurs.

La libération totale du continent africain, l’élimination de l’apartheid et l’instauration d’une justice commune qui défende les droits de l’Homme en tant qu’être humain, devenaient alors les objectifs prioritaires du mouvement. Du chemin a été parcouru, du chemin reste à parcourir ! Un site à visiter : www.journeefemmeafricaine.com

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