Mouvement d’éducation populaire à la mémoire partagée depuis 1998

BORDEAUX – BAYONNE – DAKAR – LA ROCHELLE – LE HAVRE – PARIS

Roger Anglo à l’Assemblée Nationale « Quatre siècles ne s’effacent pas d’un trait de plume »

RogerAngloRoger Anglo Président de l’Union Nationale de l’Outre Mer et Porte Parole de la Fédération des Associations Africaines et Créoles a fait un discours remarquable lors de la signature du Protocole de Médiation avec le Député Jean Sébastien Vialatte le 26 juin à l’Assemblée Nationale.

Voici son discours:

La Fédération des Associations Africaines et Créoles, L’Union Nationale de l’Outre-Mer français que j’ai le privilège de représenter ici, ont analysé les propos du Député VIALATTE comme particulièrement insultants, non seulement pour la mémoire de nos aïeux victimes de l’esclavage, mais aussi et peut-être plus encore pour les afro-descendants que nous sommes.

«Les casseurs sont sûrement des descendants d’esclaves, ils ont des excuses #Taubira va leur donner une compensation» avait écrit le Député VIALATTE, suite aux violences survenues lundi 13 mai à Paris autour de la fête du PSG.

Nous avons estimé qu’il s’agit là d’un écart de langage indigne d’un élu, parlementaire de surcroît ; un dérapage verbal, un de plus, qui témoigne d’une République encore entravée par les chaînes de son histoire et vient aussi rappeler, s’il en était besoin, que dans certaines strates françaises, la traite négrière, l’esclavage colonial et le cortège de préjugés qu’ils ont générés constituent encore des référents puissants et mobilisateurs.

Voila pourquoi notre premier mouvement a été de déposer plainte, l’idée qui a prévalu étant d’adresser un signal indiquant que les noirs d’une façon générale, que les afro-descendants en particulier, sont décidés à ne plus se laisser instrumentaliser notamment par les ceux assurément nostalgiques et sûrement « encore » partisans de l’esclavage qui considèrent que les Noirs, même libres, seront toujours des êtres inférieurs, incapables de se conformer à leur morale et leur idéologie, et donc condamnés à vivre à côté d’eux, non avec eux.

Mais notre réflexion nous a conduits à considérer que si la bêtise n’a pas de frontières, l’intelligence reste tout de même un allié précieux. Nous avons ainsi décidé, en concertation avec la Fondation du Mémorial de la Traite des Noirs présidée par notre ami Karfa DIALLO, qu’il était plus efficace d’entreprendre une action pédagogique plutôt que de consacrer l’essentiel de notre temps à ressasser les « injustices » du passé et à agiter encore et encore les rancœurs  de l’oppression coloniale.

Ce disant, qu’il soit bien entendu que dans notre esprit il ne s’agit nullement de tirer un trait sur le passé et enterrer sans autre forme de procès une tranche d’histoire si importante et tellement riche de références de toutes sortes. D’autant que, et vous nous l’accorderez, quatre siècles d’humiliations et de discriminations ne s’effacent pas d’un claquement de doigts ou d’un trait de plume, même si, selon CESAIRE, « le crayon de Dieu lui-même n’est pas sans gomme ».

Pour autant, nous de la Fédération des Associations Africaines et Créoles, et de L’Union Nationale de l’Outre-Mer français, nous estimons que nous avons à nous défaire de l’idée que la réparation des « misères du passé » est la base inéluctable de l’histoire de demain, et que si le passé est une histoire et l’avenir un mystère, seul le présent est un don qu’il convient de cultiver et qu’il importe de gérer avec intelligence.

Les excès de langage récurrents et de la même veine que ceux du Député VIALATTE prouvent, faut-il le répéter, que la République a besoin d’exorciser son passé colonialiste et esclavagiste pour enfin se réconcilier avec sa propre histoire. C’est aussi à cette condition que la France et les populations noires, d’où qu’elles soient, pourront, dans un climat de mutuelle confiance, œuvrer sereinement à tisser des liens de solidarité basés sur le respect des identités culturelles. Et cela sera d’autant plus aisé et productif, que l’on sera enfin sorti de la logique de « culpabilité-réparation » au profit d’un dialogue plus authentique.

Forts de toutes ces considérations, nous recevons avec espoir les excuses solennelles du Député VIALATTE et prenons avec vous, Acte de son engagement à œuvrer dans toute la mesure de ses moyens pour permettre une réelle intégration, à sa juste place, dans le récit national et dans la mémoire collective nationale, de ce douloureux épisode que constitue l’esclavage, ce passé qui décidément ne passe pas.

Il reste à honorer ce protocole signé en ce mercredi 26 juin 2013 qui marque le centenaire de la naissance d’Aimé CESAIRE. Un protocole qui n’aura rien d’insignifiant s’il concoure à faire que notre francité soit reconnue au-delà de l’interprétation spontanément racialisée de notre identité.

Roger Anglo, Président de L’UNOM, Porte parole de la FAAC

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *