Né en 1937, c’est à 33 ans que Oumar Diallo, quitte la petite côte sénégalaise de Mbour pour s’installer sur un bassin d’Arcachon où l’avaient précédés en 1901 d’autres africains : la Reine Malgache Ranavalo III et le terrible sort des tirailleurs africains morts de froid au Camp du Courneau lors de la première guerre mondiale.
Oumar Diallo quant à lui arrive en Gironde dans les années 70, installe sa famille, développe son activité de pêcheur, constitue un solide réseau professionnel et attire des dizaines d’autres pêcheurs sénégalais qui suivent le modèle de rigueur et d’intégration qu’il était devenu. Mort à 87 ans, Oumar Diallo laisse « une dizaine d’enfants comme il s’amusait à le dire avec un sourire malicieux, autant de beaux-fils et de belles-filles, onze petits enfants, sans oublier ses nièces et ses neveux, ses amis. »
Très affectée par sa disparition, sa famille a fait paraitre ce communiqué qui a attiré notre attention.
Notre père est arrivé à Arcachon dans un chalutier qui partait pêcher au large du Sénégal et qui embauchait régulièrement des marins locaux du petit port de Sally, son village natal. De la parole du capitaine de l’époque : « Ces hommes étaient vaillants, sérieux et courageux. »
Il est venu à l’aventure, comme on jette les dés d’une nouvelle vie. Il faut l’imaginer débarquer à Arcachon, en hiver dans les années 70, où le sable était recouvert de neige. Il faut l’imaginer fouler le sol français pour la première fois, la tête pleine de promesses pour sa famille à construire. La plage d’Arcachon en forme de grande page blanche à écrire.
Il est finalement devenu le capitaine d’un navire familial, un navire cosmopolite et magnifique. Les Diallo sont la première famille d’origine sénégalaise à s’être installée à Arcachon. Merci à toi, Papa, grand-père, tonton, Oumar d’avoir écrit les premières lignes de cette aventure dans cette région que nous adorons tous aujourd’hui.
Héritage du Wolof, mais aussi grâce à sa sensibilité propre, Oumar déposait régulièrement dans ses paroles des images poétiques, des leçons de philosophie de vie et des valeurs qui lui étaient chères. C’était un rieur, il était drôle.
Pour rendre hommage à ce père comme à cet homme de la mer, nous allons continuer à voguer dans nos vies respectives, embarquées sur ce grand navire familial qu’il a mis à l’eau. Même s’il n’est plus à la barre, il demeure en chacun de nous, solide comme un roc, montrant le cap.
Yves Herszfeld, ancien docker devenu directeur du Port de pêche et adjoint au maire d’Arcachon a publié cet hommage à Oumar Diallo sur le site (4) tu es Arcachonnais si tu as connu…… | Facebook :
« Il est parti aussi discrètement qu’il est arrivé ! Ancien pêcheur sur pirogue à Mbour, il était vraiment la référence des « sénégaulois », comme je les appelais affectueusement. Un travailleur et un homme exemplaire. Tellement bien intégré à Arcachon. Il s’occupait de ses compatriotes afin qu’il en soit de même pour eux. Sans lui, sans eux, beaucoup de bateaux seraient restés à quai. J’ai eu la chance de visiter grâce à toi ton village dans lequel tu envoyais la majeure partie de tes gains si durement acquis. Jerejef (merci), un des seuls mots que j’ai appris de ta langue natale »
Le Conseil d’administration de Mémoires & Partages présente ces condoléances attristées à sa famille et à ses amis.
AUTRES HISTOIRES MARQUANTES D’AFRICAIN.E.S A ARCACHON
Si Oumar Diallo est le premier pêcheur noir à s’installer sur l’une des lagunes qui abrite la célèbre station balnéaire, il y est précédée au 19e siècle et au début du 20e siècle par deux histoires qui y ont marqué les consciences.
ÉXIL DE LA REINE RANAVALO III
Ranavalona III, née Razafindrahety le 22 novembre 1861, est la dernière reine de Madagascar. Elle règne à partir du 30 juillet 1883 jusqu’au 28 février 1897, période marqué par des efforts continus et finalement vains pour résister aux desseins coloniaux de l’Empire colonial français.
Lors de la conquête française de 1894, le général Gallieni, gouverneur général de Madagascar, décidera de l’appréhender le 28 février 1897, de transformer le royaume de Madagascar en colonie française et de déporter la reine Ranavalona à La Réunion, puis à Alger, où elle mourut en 1917. Son exil l’aura aussi conduit au Grand Hotel d’Arcachon du 30 juin au 25 juillet 1901. En savoir plus : Sur les traces de Ranavalona III, la dernière reine de Madagascar | Point de Vue
MORT DES TIRAILLEURS AFRICAINS DU CAMP DU COURNEAU
Le Courneau est le nom d’une parcelle de la Grande Montagne de La Teste de Buch située sur le côté est de la forêt usagère. Dés les débuts de la première guerre mondiale, un « camp d’hivernage » y est installé pour soulager des rigueurs du froid les tirailleurs africains recrutés pour les combats sur le front. 27 000 soldats africains y séjourneront dans des conditions d’humidité qui en mène prés de 1 000 morts entre 1916 et 1917. Une nécropole y est installée pour leur rendre hommage. La route qui traverse la forêt qui mène vers le Camp, jadis appelée « Routes des négres » est maintenant appelée « la route des sénégalais ». En savoir plus : Camp militaire du Courneau – H T B A
Karfa DIALLO
Fondateur-directeur de Mémoires & Partages et Conseiller Régional Nouvelle-Aquitaine