Bati par la famille bordelaise qui a déporté le plus d’Africains en Amérique, l’Hôtel Nairac continue de régner sur la vie des Ultramarins français mais aussi de nombreux migrants africains.
Issu d’une famille protestante du Tarn, les Nairac font souche à Bordeaux à partir du début du 18e siècle et prospèrent dans le négoce colonial, l’armement de bateaux, la possession de plantations esclavagistes et le raffinage de la canne à sucre.
Une grande partie de la fortune familiale est acquise grâce à Pierre-Paul Nairac, député du Tiers Etat aux États généraux de 1789 et associé avec son fils Laurent-Paul et son frère Élisée Nairac pour faire de l’armement maritime.
Durant 28 ans, de 1764 à 1792, les Nairac ont monté avec une régularité jamais atteinte à Bordeaux. 24 expéditions près de 30 % de toutes celles réalisées pour les colonies depuis 1750 dont 18 déportèrent plus de 8.000 Noirs. Ce qui les place en tête des négriers bordelais, selon l’historien Eric Saugera Bordeaux port négrier.
Le cas des Nairac est tellement emblématique que la revue Historia, dans un dossier sur «Les négriers français», y a même consacré un chapitre intitulé : Les Nairac, de la traite à la vigne.
Au milieu du 18e siècle, la famille possède une flotte de quatre navires, dont trois navires négriers et deux raffineries de sucre à Bordeaux dans le quartier Sainte-Croix (évoquées dans le cadre de notre parcours Quartiers de sucre.
Également ils possédaient un domaine (Habitation Nairac) en 1786, à l’île Bourbon (Saint-Pierre de la Réunion), dans la région du Tampon actuel, qui comprenait 414 esclaves, dont 98 enfants, 2 invalides et 24 domestiques.
Ils possédaient aussi plusieurs habitations à Saint-Domingue et percevront à partir de 1826 des indemnités compensatoires pour les propriétés qu’ils y ont perdu du fait de la proclamation de l’Indépendance d’Haïti « rançon de l’indépendance ».
L’HOTEL NAIRAC 1777
Avec les profits tirés de ces activités, Pierre-Paul Nairac fait bâtir entre 1775 et 1777 un hôtel particulier à Bordeaux, dénommé « Hôtel Nairac », selon les plans dressés par l’architecte Victor Louis. Le coût de la construction est de 233 000 livres, équivalents à plus de 2,6 millions d’euros d’aujourd’hui. Sous la Révolution, Nairac revend en 1792 cet hôtel à des négociants.
LA COUR ADMINISTRATIVE D’APPEL
Il est intéressant de noter que cet Hôtel particulier est, depuis le 23 décembre 1999, le siège de la Cour administrative d’appel de Bordeaux et qui juge aussi en appel, depuis le 19e siècle, de toutes les affaires des anciennes colonies esclavagistes de la Guadeloupe, la Guyane, la Martinique, La Réunion, Mayotte, Saint-Barthélemy, Saint-Martin et Saint-Pierre-et-Miquelon.
En qu’en 2020, la Cour a jugé de 4 295 affaires dont la moitié concerne « l’entrée et le séjour des étranges et du droit d’asile »
Sur son site web, la Cour indique que «Eu égard à ses origines et son histoire, ce bâtiment est un rappel permanent, pour ceux qui y travaillent, magistrats et agents de greffe, comme pour ceux qui le fréquentent, avocats et citoyens, de la nécessité de préserver les droits et la dignité de la personne humaine.»
LE CHATEAU BARSAC
Elisée, le cadet, va lui acquérir un domaine viticole à Barsac sur lequel il fit édifier le château qui porte encore aujourd’hui son nom et qui continue son activité.
Pierre-Paul et Élisée Nairac réclameront à plusieurs reprises un anoblissement au pouvoir royal, en récompense de son zèle négrier, mais celui-ci lui sera toujours refusé en raison de sa religion protestante. Initié à la loge de l’Amitié, où se retrouvaient les armateurs bordelais, Nairac appartenait à la franc-maçonnerie bordelaise.
Karfa DIALLO
En savoir plus : Famille Nairac — Wikipédia