Jeudi 16 janvier 2025, quatre ans après le dépôt du recours contre le nom de « La Négresse » donné à un quartier et une voie communale de la ville de Biarritz, s’ouvre enfin le Procès en Appel.
DANS LA COUR ADMINISTRATIVE D’APPEL DE BORDEAUX (17 cours de Verdun)
qui siège dans l’ancien Hôtel particulier de la Famille Nairac (https://fr.wikipedia.org/wiki/Famille_Nairac) et qui juge aussi en appel, depuis le 19e siècle, de toutes les affaires de la Guadeloupe, la Guyane, la Martinique, La Réunion, Mayotte, Saint-Barthélemy, Saint-Martin et Saint-Pierre-et-Miquelon.
« La NÉGRESSE »
C’est le surnom donné à un quartier de Biarritz depuis le XIXe siècle, en raison de la présence d’une ancienne esclave noire qui travaillait dans une auberge du quartier, qui s’appelait auparavant Harausta (« endroit poussiéreux » en basque). Ce sobriquet lui a été donné par les soldats Napoléoniens sert à désigner le quartier. Elle ne pouvait qu’être déportée par ses « maîtres » puisque la Police des noirs (instituée en 1776) obligeait à la déclaration et à la surveillance tous les esclaves qui rentraient sur le sol de France.
Les termes de « Nègre » ou « Négresse » ne sont pourtant pas anodins, et certainement pas de simples synonymes de « noir/noire ».
Ils servaient à désigner une personne noire, quand celle-ci est vidée de son humanité, seule manière pour les sociétés européennes de rendre moralement acceptable leur mise en esclavage, alors même que cette pratique était vigoureusement combattue quand il s’agissait de « blancs ».
Ces termes portent donc en eux la marque d’un crime contre l’humanité, qui a vu déporter des millions d’Africains, afin de travailler comme esclaves dans les plantations coloniales.
Plusieurs fois objets de critiques, la persistance de cette dénomination raciste pour le quartier de Biarritz est une injure au vivre-ensemble et à la reconnaissance de la composante noire de l’histoire de France (richesse apportée à la métropole par le travail des esclaves, participations des « tirailleurs » et troupes coloniales dans plusieurs guerres françaises, enrichissement culturel, sportif, etc.).
Pour l’écrivain martiniquais, Patrick Chamoiseau,
« LES CHARGES DU MOT NÈGRE
– Charge d’insulte et de négation humaine surgie de la Traite, de l’esclavage, du système des plantations.
– Charge positive insufflée par la Négritude et les grandes résistances qui firent du crachat un combustible.
LES EMPLOIS DU MOT :
– Quand Césaire et Fanon l’emploient, c’est un étendard d’affirmation de soi et d’inscription dans une résistance historique.
– Quand Zemmour ou son engeance l’utilisent, c’est la charge négative et la vaste insulte qui se voient signifiées. ».
SOMMET DU G7 – 22 AOUT 2019
Lors du Sommet du G7, le 22 août 2019 devant la gare de Biarritz, des adhérents de M et P distribuèrent une information au public à ce sujet. La ville était alors quadrillée par les forces de l’ordre qui interpellèrent Karfa Diallo coupable de ne pas vouloir cesser sa distribution d’informations.
Nos avocats William Bourdon et Colette Capdevielle démonteront avec brio dans leur plaidoirie que ce dossier était monté de toutes pièces par les policiers. Le délibéré du tribunal du 14 janvier 2021 ne souffre d’aucune ambiguïté puisque non seulement il relaxera Karfa Diallo du chef d’accusation « de rébellion » mais en plus il déboutera les parties civiles (les deux policiers) de leur action.
REFUS RÉPÉTÉ DE LA MUNICIPALITÉ
Devant le refus répété, depuis 2013, des différentes municipalités de tous bords à la tête de la ville de Biarritz d’entamer une démarche apaisée de changement de nom du quartier, l’association Mémoires & Partages a été contrainte de déposer le 2 décembre 2020 un recours au Tribunal administratif de Pau, afin de faire annuler les délibérations « illégales », de 1861 et 1986, ayant octroyé le nom de « La Négresse » à un quartier et une rue de la commune.
DÉCISION DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE PAU
Le 22 décembre 2023, le juge administratif a avancé un argument incompréhensible selon lequel cette appellation était bien « péjorative » mais que ce n’était pas « une atteinte à la dignité de la personne »
COUR D’APPEL 16 JANVIER 2025
En soutenant que cette appellation était bien « péjorative » mais qu’elle n’était pas attentatoire à la « dignité de la personne », le juge administratif s’enferme dans la contradiction et ignore les représentations caricaturales, racistes et existes, qu’entraine une telle dénomination sur l’espace public et les violences symboliques qu’elle inflige à nos concitoyens, noirs ou blancs.
L’audience du 16 janvier 2025, au sein d’un lieu marqué par l’histoire du crime contre l’humanité qui a donné naissance à cette appellation, est une occasion pédagogique exceptionnelle que nous comptons bien saisir.
Nous remercions le Cabinet Bourdon & Associés de son constant et convaincant travail de défense des libertés publiques.
Nous sollicitons votre aide pour poursuivre poursuivre la pédagogie antiraciste et antisexiste que nous avons commencé. Nous savons d’expérience que déraciner le racisme est une entreprise de longue haleine et que dans le combat pour les droits civiques la justice occidentale a aussi ses propres biais.
La lutte continue !
Communiqué du Réseau Mémoires & Partages, Bordeaux, 19 décembre 2024
UN RASSEMBLEMENT EST PRÉVU !
Le réseau Mémoires & Partages et d’autres organisations prévoient d’ors et déjà un rassemblement le Jeudi 16 janvier à 14h devant la Cour d’Appel de Bordeaux, ancien hotel particulier de la famille Nairac. (17 cours de Verdun)
Nous appelons donc nos adhérents et sympathisants tout d’abord :
- à nous soutenir en présence ce jour du 16 janvier à 14h
- à nous soutenir financièrement pour assurer les frais inhérents à ce procès (avocat, déplacements..). Votre participation pourra être transmise à Mémoires et Partages 9 rue des Caperans 33000 Bordeaux
https://www.helloasso.com/associations/memoires-et-partages/formulaires/5
Merci d’avance de votre soutien et de votre engagement !