Ce vendredi, la ville de Bordeaux, avec le soutien du réseau Mémoires & Partages, inaugure une nouvelle plaque sur une rue qui a cristallisé nos combats pour l’égalité pendant plusieurs décennies.
C’est d’abord la liste électorale aux municipales de 1995, « Couler le Colbert », dirigée par le génial Alriq, précurseur du renouveau culturel de la rive droite bordelaise, qui ouvre les hostilités sur un navire militaire qui, non seulement bouchait la splendide perspective des quais bordelais mais portait aussi le nom du Ministre de Louis XIV qui a légalisé l’horreur du crime contre l’humanité que fut la traite, l’esclavage et le racisme contre les noir.e.s.
Ensuite, Mémoires & Partages, de 1998 à 2007, y organise la cérémonie qui clôturait la Marche aux flambeaux dont l’objectif était que Bordeaux assume son passé négrier par une véritable politique mémorielle Abolition-Esclavage: Marche à Bordeaux (europe1.fr)
Honoré par une rue dans le quartier Fondaudége, Colbert fait partie, dés le lancement de la campagne nationale « débaptisez les rues de négriers » en 2009, des traces de la mémoire de l’esclavage que Mémoires & Partages souhaite faire contextualiser par des panneaux explicatifs « Débaptiser les rues de négriers » (lefigaro.fr)
Des pétitions signées par de nombreux bordelais et des courriers à Alain Juppé, dont celui de 2017 ci-dessous, vont ponctuer un combat que parachève la nouvelle majorité municipale à l’issue d’un processus de concertation auquel Mémoires & Partages, représentée par son président Patrick Serres, a pris toute sa place LETTRE OUVERTE AU MAIRE DE BORDEAUX – « Faut-il débaptiser les rues de négriers? » par Karfa DIALLO | Mémoires et Partages (memoiresetpartages.com)
Le meurtre de George Floyd et la résurgence du mouvement Black Lives Matter commencent à faire comprendre la pertinence de nos propositions depuis deux décennies. Ainsi, l’ancien premier ministre, Jean-Marc Ayrault, ancien maire de Nantes et président de la Fondation pour la mémoire de l’esclavage, écrivait le 13 juin 2020 une tribune parue samedi dans Le Monde « Il y a des symboles que la République ne saurait plus tolérer. Comment comprendre, en effet, que dans les locaux de l’Assemblée nationale, le cœur battant de notre démocratie, une salle porte encore le nom de Colbert (1619-1683), qu’on ne savait pas être une figure de notre vie parlementaire ni de la République ? »
Le 23 juin 2020, le militant guadeloupéen Franco Lollia, descendant d’esclaves, recouvre la statue de Colbert devant l’assemblée nationale d’une peinture rouge et tague « Négrophobie d’État » en dessous. Hasard du calendrier, son procès s’est tenu le 10 mai 2021, 20 ans jour pour jour après le vote de la loi Taubira reconnaissant l’esclavage comme un crime contre l’humanité. Il est alors condamné à 500€ d’amende + 1000€ à l’Assemblée nationale pour préjudice matériel.
A Bordeaux, après les rues Gradis, Desse, Gramont, Mareilhac et Féger, la rue Colbert se verra apposer, ce vendredi, un panneau explicatif dont la rédaction, à l’inverse des 5 premières a fait l’objet d’un véritable processus démocratique respectueux de la société civile.
Pour Patrick Serres, président de Mémoires & Partages, « C’est une véritable évolution que nous saluons à sa juste mesure. Elle témoigne de la volonté de la mairie de Bordeaux de sérieusement prendre en charge cette question dans une démarche inclusive et respectueuse de la diversité des contributions pour répondre aux besoins d’équité et de vérité de notre société »
Mémoires & Partages continue de se battre pour que les panneaux des 5 premières rues soient corrigés en y introduisant la mention « La traite et l’esclavage des noirs ont été qualifiés de crimes contre l’humanité par la loi française du 10 mai 2001 » et que toutes les rues qui ont trait à l’armement de bateaux négriers, à la propriété de plantations esclavagistes en Amérique et à la diffusion de pensées racistes et sexistes soit complétées de panneaux explicatifs sans équivoque sur notre volonté de réparer les dommages causés par cette tragédie aujourd’hui.
HISTOIRE
Jean-Baptiste Colbert père était le ministre des Finances et de la Marine de Louis XIV. En 1664, il fonde la Compagnie des Indes, qui avait le monopole du commerce de marchandises et d’esclaves avec les « Indes » françaises. Il est aussi le premier rédacteur du Code noir à la demande de Louis XIV. Ce texte, qui réglemente les droits du propriétaire sur son esclave, est finalisé et publié par son fils deux ans après sa mort.
Karfa Sira DIALLO