Quand Emmanuel Macron louvoie en reconnaissant du bout de la langue « un rôle, une histoire et une responsabilité politique » dans le cadre du génocide rwandais de 1994, les dirigeant.e.s allemand.e.s acceptent officiellement avoir commis « un génocide » contre les populations des Hereros et Namas en Namibie pendant l’ère coloniale (1884-1885) et va verser au pays plus d’1 milliard d’euros d’aides au développement.
A l’heure où une équipe du CNRS vient de publier le montant des indemnités versées aux esclavagistes français lors de l’abolition de l’esclavage, cette décision allemande pointe les insuffisances françaises dans le solde de l’histoire coloniale.
Selon Heiko Maas, ministre allemand des Affaires étrangères, qui s’est prononcé à l’issue de cinq après années de négociations avec l’Etat namibien, sur les événements survenus dans ce territoire africain colonisé par l’Allemagne entre 1884 et 1915. « Nous qualifierons maintenant officiellement ces événements pour ce qu’ils sont du point de vue d’aujourd’hui: un génocide ».
PREMIER GENOCIDE DU XXe SIECLE
Des dizaines de milliers de Hereros et de Namas avaient été massacrés entre 1904 et 1908 par les colons allemands. Les crimes commis pendant la colonisation empoisonnent depuis de nombreuses années les relations entre les deux pays.
Les tribus hereros représentent aujourd’hui environ 7% de la population namibienne contre 40% au début du XXe siècle. Privés de leurs terres et de leur bétail, ils s’étaient révoltés en 1904 contre les colons allemands, faisant une centaine de morts parmi ces derniers. Envoyé pour mater la rébellion, le général allemand Lothar von Trotha avait ordonné leur extermination. Les Namas s’étaient soulevés un an plus tard et subirent le même sort.
Au total, au moins 60.000 Hereros et environ 10.000 Namas perdirent la vie entre 1904 et 1908. Les forces coloniales allemandes avaient employé des techniques génocidaires: massacres de masse, exil dans le désert où des milliers d’hommes, femmes et enfants sont morts de soif, et camps de concentration comme celui tristement célèbre de Shark Island.
Des ossements, en particulier les crânes de victimes, furent envoyés en Allemagne pour des expériences scientifiques à caractère racial. Le médecin Eugen Fischer, qui a officié à Shark Island et dont les écrits ont influencé Adolf Hitler, cherchait à prouver la « supériorité de la race blanche ».
Dans une volonté de réconciliation, l’Allemagne avait remis en 2019 à la Namibie des ossements de membres des tribus Herero et Nama exterminés, et la secrétaire d’Etat aux Affaires étrangères, Michelle Müntefering, avait alors demandé « pardon du fond du coeur ».
Un geste jugé nettement insuffisant par leurs descendants et les autorités namibiennes qui exigeaient des excuses officielles et des réparations. L’Allemagne s’y était à plusieurs reprises opposée, invoquant les millions d’euros d’aide au développement versés à la Namibie depuis son indépendance en 1990.
Si le travail de mémoire en Allemagne sur la période nazie est généralement jugé exemplaire, celui sur la période coloniale en Afrique, de la deuxième moitié du XIXe siècle et du début du XXe, a été longtemps délaissé.
En novembre 2019, à un workshop organisé par le Goethe-Institut, nous avions interrogé un des leaders communautaire allemands d’origine namibienne, Sururu Mboro, de Berlin Postkolonial, « Le tableau n’est pas beau à voir mais je dois vivre avec… »
RÉPARATION
Dans un « geste de reconnaissance des immenses souffrances infligées aux victimes », l’Allemagne va soutenir la « reconstruction et le développement » en Namibie via un programme financier de 1,1 milliard d’euros, a-t-il ajouté.
Il précise qu’il ne s’agit pas de dédommagements sur une base juridique et que cette reconnaissance n’ouvre la voie à aucune « demande légale d’indemnisation ». Cette somme sera versée sur une période de 30 ans, selon des sources proches des négociations, et doit profiter en priorité aux descendants de ces deux populations.