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JANVIER 1920 – Naufrage d’un évêque, pionnier de l’évangélisation en Afrique

JANVIER 1920 – Naufrage d’un évêque, pionnier de l’évangélisation en Afrique

Officier des premières heures de la christianisation du continent, l’évêque Hyacinthe Jalabert fait partie des naufragés du « Titanic Français ».

Avec dix-huit missionnaires, l’un des bâtisseurs de la grande Cathédrale du « Souvenir Africain » de Dakar fait partie des naufragés de la plus grande catastrophe maritime française.

Né à Chambery en 1859, Hyacinthe Jalabert est membre de la Congrégation du Saint-Esprit, vicaire apostolique de Sénégambie et préfet apostolique du Sénégal de 1909 à 1920. C’est par le petit séminaire d’Evian et le séminaire colonial des Pères du Saint-Esprit, à Paris, qu’il commence ses humanités. Par la philosophie terminée, puis la théologie, avant de s’engager dans le noviciat et la profession religieuse. Consacré prêtre à 23 ans en 1882, c’est au bagne de Guyane, à Maroni, qu’il commence un service d’Aumonier. Pendant dix ans, il parcourt la colonie française de Guyane pour former des jeunes venus de toute la colonie. 

Apprécié pour son expérience coloniale, son retour en métropole en 1893 est de courte durée. Après une brève mission dans le petit séminaire du Puy de Dome, direction le Sénégal où il retrouve « le clan des bordelais », une communauté de commerçants français très actifs, notamment à Saint-Louis, capitale de l’Afrique Occidentale Française, avec 35.000 musulmans et de 3.000 métis catholiques, la plupart issu de cette pratique coloniale du « mariage à la mode du pays ».

Vicaire général de Dakar en 1907, son ministère est étendu à la Sénégambie et à la Mauritanie sur décision de Rome en février 1909. Quatorze ans après son arrivée au Sénégal, Hyacinthe Jalabert est un évêque respecté, qui a su gagner estime et confiance des musulmans et des chrétiens, qui choisit comme devise « les oasis refleuriront ».

Pirogue, chevaux, mulets, marche à pied, aucun moyen n’était de trop pour parcourir et s’assurer l’évangélisation d’un diocèse, étendu aussi à la Gambie, à la Mauritanie et la Casamance et composé de 20.000 chrétiens, dont près de 10.000 européens, noyés dans une population d’environ 1.500.000 habitants en majorité musulmans.

Tout à sa mission, en 1910, il se lance dans l’édification d’une véritable cathédrale à Dakar, à la place de la petite chapelle qu’il juge indigne d’une aussi grande capitale.

C’est sur le chemin de l’édification de cette cathédrale dite du Souvenir Africain, « à la mémoire de tous les héros de l’épopée africaine, explorateurs, soldats, marins, administrateurs, morts là-bas au service de la France », que Hyacinthe Jalabert rencontre son funeste destin.

Dès la fin de la première guerre mondiale, à 60 ans, en 1919, il revient en métropole, poursuivre les nombreuses conférences de bienfaisance que son comité pour l’édification de la cathédrale de Dakar organise afin de poser la première pierre de l’édifice dont le terrain a été trouvé dans le quartier de Dakar-Plateau, sur un ancien cimetière Lébou (ethnie de Dakar).

Et, le 9 janvier 1920, lesté d’un trésor de trente millions de francs récoltés pour sa cathédrale, il s’embarque à Bordeaux avec dix-huit missionnaires du Saint-Esprit, destinés eux aussi à l’accompagner dans sa mission d’évangélisation du continent.

La tempête sévit dans l’estuaire de la Gironde. Chargé de 568 passagers, dont 192 tirailleurs africains, le paquebot « l’Afrique » sombre dans la nuit du 12 janvier 1920. Seuls trente-six passagers survivront.

Aucune femme ni aucun enfant ne survécurent à cette catastrophe. Durant plusieurs mois, la mer rendit les cadavres sur les plages de Vendée, de l’île de Ré ou de celles de l’île d’Yeu.

Ce naufrage, considéré comme la plus grande catastrophe maritime française, engendra de violentes polémiques qui durèrent plusieurs années à la recherche « d’une explication et d’un responsable » :

  • Enquêtes : le bateau avait subi de mauvaises réparations à Bordeaux l’eau était déjà dans la cale et les chambres des machines, même les hublots des cabines n’étaient pas étanches aux dires d’un rescapé
  • Recherche d’un coupable : les membres de l’équipage, changés avant le départ, dont les survivants furent soupçonnés d’abandon de poste
  • Débats houleux à l’Assemblée Nationale
  • Procès : les familles des victimes furent déboutées et curieusement l’armateur fut lavé de toute responsabilité
  • Trésor disparu de Monseigneur Jalabert qui transportait l’argent de sa quête en faveur de la cathédrale
  • Prise de conscience du besoin d’un contrôle de l’état de navigation des bateaux par un organisme indépendant des armateurs et surtout d’une organisation sérieuse de sauvetage côtier.

Très peu d’attentions politiques et judiciaires sur le sort particulier les tirailleurs sénégalais morts des suites de ce naufrage. En effet, ces violentes controverses judiciaires, techniques et politiques passeront par pertes et profits ampleur, sans qu’on ait accordé aux cent soixante-dix-huit soldats indigènes disparus en mer, dans l’exercice de leur devoir, attention, hommage et reconnaissance pour service rendu à la France. Morts pour la France, ignorés de tous, ces tirailleurs gisent au fond de l’Océan.

La cathédrale, elle, l’œuvre de l’évéque Jalabert, est finalement consacrée le 2 février 1936 par  l’archevêque de Paris, le cardinal Jean Verdier. L’édifice est confié à l’architecte Charles-Albert Wulffleff qui puise son inspiration à de multiples sources : tours de style soudanais, coupoles et terrasses byzantines, cariatides auxquelles des jeunes filles peules ont prêté leurs traits. Des matériaux africains (grès rose du Soudan, marbres de Tunisie, bois massifs du Gabon, tapis de Ouagadougou) sont associés aux dalles en granit de Bretagne ou aux ornements de bronze réalisés à Auteuil par les orphelins du Père Brottier.

Sur le grand portique d’entrée, flanqué de deux tours, s’affichait en lettres capitales l’inscription suivante : « À ses morts d’Afrique la France reconnaissante ». Depuis le texte d’origine a été remplacé par un autre : « À la Vierge Marie Mère de Jésus le Sauveur ».

Les obsèques de l’ancien président Léopold Sédar Senghor y ont été célébrées en 2001.

SOURCES

Ces lignes doivent beaucoup à

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