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BORDEAUX – Ouvrir «l’Impasse Toussaint Louverture» pour honorer la liberté…

TRIBUNE- A l’occasion de la journée du 10 mai 2020, Mémoires & Partages demande à la ville de Bordeaux d’ouvrir « l’Impasse » dédiée au précurseur de la 1ere République noire.

Depuis le 19e siècle, la ville de Bordeaux, premier port colonial et deuxième port négrier français, honore par une « Impasse » le héros de la révolution Haïtienne et précurseur de la première République noire au monde. Avec plus de 70% de ses exportations dirigées vers la colonie de St-Domingue, les négociants et armateurs bordelais font de l’Ile « L’Eldorado des Aquitains » au 18e siècle. Un « Eldorado » fondé sur le crime contre l’humanité dont la France célèbre l’abolition ce 10 mai 2020.

A Bordeaux, l’évolution des consciences et de la législation sur ce crime contre l’humanité n’a, pourtant, pas encore pour conséquence de réparer le déshonneur de destiner à une « Impasse » le rôle fondateur de ce combattant pour la liberté.

Né sous le nom de François-Dominique, en 1743 sur l’Habitation Bréda, Toussaint Louverture est propriétaire d’une plantation de café dans la colonie de St-Domingue. Lorsque qu’éclate la révolte des esclaves de 1791 il s’engage dans l’insurrection qui progressivement mène à la première révolution triomphante des esclaves en Amérique. Respecté par les insurgés, habile au combat, stratège et organisateur, Toussaint Louverture prend la tête de l’insurrection, devient Général mais résiste aux appétits des colons esclavagistes espagnols et français. Notamment en repoussant l’expédition napoléonienne dirigée par le général Leclerc en 1802, destinée à mettre fin à l’organisation de l’émancipation politique et économique de l’Ile. Capturé par traitrise, il est exilé, avec sa famille en France, et enfermé au Fort de Joux où il meurt le 7 avril 1803. Sa famille et sa descendance s’éteignent entre Agen et Bordeaux où son fils Isaac est enterré au cimetière de la Chartreuse.

Soumis massivement au racisme le plus brutal et le plus sournois, les révolutionnaires haïtiens sont confrontés à la perception coloniale reposant sur l’infériorité des noirs incapables de se libérer par eux-mêmes, encore moins de défier la France, de réclamer leur souveraineté et de s’ériger en nation et en République libre. A travers le traitement réservé à Toussaint Louverture, il s’agissait de ridiculiser, de rabaisser et de déclarer vaine la volonté indépendantiste des noirs, inadmissible dans une Amérique soumise aux fers du colonialisme européen.

Est-ce le même inconscient qui a présidé à cette dénomination urbaine d’une « Impasse » pour Toussaint Louverture à Bordeaux ? Comment, 172 ans après l’abolition de l’esclavage et 19 ans après la qualification de la traite des noirs et de l’esclavage comme crimes contre l’humanité, peut-on rester indifférent à l’enfermement dans une Impasse de la mémoire de Toussaint Louverture et des combats contre le racisme et pour la liberté ?

Bordeaux, grâce à l’action des militants, a commencé à reconnaître et à réparer ce passé négrier, notamment dans l’annonce, le 2 décembre 2019, d’apposer des plaques explicatives sur 6 rues de négriers. D’ailleurs, nous demandons à la ville l’agenda de cet engagement politique attendu par les citoyens bordelais.

L’existence de cette impasse est, néanmoins, toujours perçue, comme une insulte à la mémoire du héros de la 1ère République noire.

A l’occasion de la journée nationale du 10 mai 2020, Mémoires & Partages demande à la ville de Bordeaux d’ouvrir l’IMPASSE pour la transformer en AVENUE.

Pour sa part, Mémoires & Partages, prépare, dans le quartier Nansouty où se trouve l’Impasse, un Festival Louverture pour le 10 mai 2021.

Ignorée et occultée, la révolution haïtienne participe de notre modernité. Réunir des artistes et intellectuels autour de cet héritage peut contribuer à éveiller la curiosité et l’intérêt pour cette page de l’histoire et ce geste de libération inouï.

Pour la journée nationale du 10 mai et en raison du #Covid19, comme depuis 22 ans, un dispositif numérique exceptionnel permettra, sur la page https://www.facebook.com/memoiresetpartages/, une célébration des mémoires des résistances et des abolitions de l’esclavage. En compagnie d’artistes, d’intellectuels et d’activistes d’ici ou d’ailleurs.

Karfa Sira Diallo

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