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BERLIN – Les activistes allemands font débaptiser la rue «des nègres»

Ce jeudi 20 aout, le conseil municipal de Berlin a voté la débaptisation de la rue « M-Straße » pour lui donner celui de Anton Wilhelm-Amo-Straße, premier chercheur d’origine africaine d’une université prussienne.

On le sait peu mais la Prusse de Brandebourg a aussi participé à la traite des noirs et à son idéologie raciste et esclavagiste. Sur les flancs du Ghana, le Prince de Brandebourg a installé le fort Groß-Friedrichsburg d’où ont été déportés prés de 30 000 esclaves vers les Amériques. Ces révélations ont été apportées par l’historien Tristan Oestermann, de l’Université de Düsseldorf en Allemagne.

Par la suite, l’investissement allemand dans la colonisation de l’Afrique sera attesté, non seulement par l’organisation de la conférence de Berlin en 1885, mais aussi par le génocide des Hereros de Namibie qui a préparé celui de la Shoah.

La géographie des villes allemandes, notamment de Berlin, en porte plusieurs traces, régulièrement dénoncées par des activistes menées par le collectif Decolonize Berlin.

Depuis plusieurs années, la M*straße, « rue des nègres » nommée en 1706 et désignant le racisme envers les afrodescendants, cristallise le mécontentement de nombreux militants allemands engagés pour rendre visible l’histoire de plus de 300 ans de résistance des personnes d’origine africaine en Allemagne et dans ses anciennes colonies.

Pour ces activistes, ce nom de rue « est lié à l’asservissement systématique des personnes d’origine africaine, de leur déportation violente et de leurs siècles d’exploitation et de discrimination par les Européens blancs ».

Ce collectif avait proposé de renommer la rue pour honorer Anton Wilhelm Amo, le premier chercheur d’origine africaine dans une université prussienne.

Enfant africain déporté au 18e siècle par la Société Hollandaise des Indes occidentales, Anton Wilhem Amo a été vendu à la famille Braunschweig qui lui permet d’acquérir une solide éducation et d’entrer à l’université prussienne de Halle à partir de 1727. Il y a écrit un mémoire sur les droits des personnes noires en Europe. Dix ans plus tard, il a obtenu son doctorat à l’université de Wittenberg et a obtenu un doctorat en philosophie. Une campagne raciste dirigée contre lui, le poussera a quitter l’Allemagne en 1747 pour ce qui est aujourd’hui le Ghana.

La pétition par le collectif sur Change.org a recueilli des milliers de signataires convaincus par les arguments « C’est l’extraordinaire réalisation de la vie d’Anton Wilhelm Amos, que nous voulons honorer en rebaptisant la discriminatoire M*straße. Si nous voulons comprendre et combattre le racisme, nous devons non seulement examiner de manière critique l’histoire coloniale de l’Allemagne, mais aussi rendre visible l’histoire des personnes d’origine africaine en Allemagne ! »

Dans sa séance du 20 aout 2020, le conseil municipal de Berlin vient de leur donner raison.

Une victoire, pour un combat de 20 ans, qui devrait inspirer le quartier « la nègresse » de Biarritz mais aussi les rues de négriers à La Rochelle, à Bordeaux, à Nantes et au Havre, sur lesquelles nous travaillons depuis de nombreuses années.

Karfa Sira Diallo, notre fondateur, est poursuivi en justice pour avoir protesté contre le nom du quartier « la nègresse » de Biarritz. Interpellé par plaquage ventral et mis en garde à vue, lors du sommet du G7 le 22 aout 2019, il passe en justice pour « rébellion » le 3 décembre prochain au tribunal de Bayonne.

5 réponses

  1. La Négresse. Je connais ce quartier depuis longtemps. Lorsque je vais en Espagne je m’arrête en un lieu pas très éloigné pour y passer la nuit. Ce nom, péjoratif, m’a toujours intrigué sans que je me donne la peine d’en chercher les raisons. Aujourd’hui j’en sais un petit peu plus. Je pensais son baptême plus ancien. 1986, c’est hier ! C’est honteux ! Ce n’est pas Victor Hugo ! Ce n’est pas mon pays !
    J’ai visionné le film où M. Dialo, devant la gare de Biarritz, prend les gens à témoin et où il est arrêté le tout dans une terrible indifférence générale ! C’est honteux ! Ce n’est pas Victor Hugo ! Ce n’est pas mon pays !
    Ce que la police française vous a fait subir M. Dialo est honteux, indigne de Victor Hugo, indigne de mon pays !
    Il faut que cela change !

  2. Nous devons tous nous interroger sur le comportement des autorités françaises devant cette exhortation internationale lancée aux pays européens de regarder leur passé colonial et esclavagiste en face depuis la mort de George Floyd. L’Allemagne vient de se joindre aux Etats-Unis, au Canada, à la Belgique pour faire un pas vers la disparition des traces glorifiant leur passé raciste. La France reste fière de son passé colonial et esclavagiste ! Et trop nombreux sont nos compatriotes blancs qui nous narguent par leur mutisme, par leur attachement à la parole de ceux qui nous gouvernent et non par leurs réflexions personnelles. Cela est honteux ! Soyons plus nombreux, chers compatriotes Noirs et blancs, à mener ce combat contre les traces visibles de l’humiliation de l’autre pour que la « fraternité », le troisième pilier de notre devise nationale, ait au moins un sens.

    1. Bonjour à vous lafrancenoire,
      Je ne pense pas que nos compatriotes blancs, dont je suis, soient si nombreux à être fiers du passé colonial de notre pays. Non, je suis sincèrement convaincu que ceux qui pensent ainsi sont de plus en plus minoritaires. Les autres sont tout simplement indifférents, convaincus, je pense, que les choses s’ajusteront sans eux et/ou que ce combat est de peu d’importance face, par exemple, aux défis climatiques. Nos autorités en sont conscientes c’est pour cela que leurs actions en ce sens sont plus « timides ». Il faut être constant dans cette résistance comme dans d’autres. Le changement, en dehors des révolutions, et un long chemin.
      Cordialement.

      1. Nous constatons pour notre part que chaque fois qu’il y a une victoire, c’est grâce au nombre ; ce qui veut dire, que si nous n’avançons guère dans ce combat, c’est parce que ceux qui consentent au discours officiel – parce qu’ils ne disent rien, ne font rien – sont beaucoup plus nombreux que ceux qui agissent parce qu’ils n’approuve pas ce discours. J’habite une petite ville de 10 000 habitants. Je ne crois absolument pas que 200 personnes blanches sont prêtes à affirmer que la colonisation était une mauvaise chose. Régulièrement, j’entends dire « oui, mais… ». Cela veut tout dire.

        1. Bonjour lafrancenoire,
          Merci pour votre réponse, à presque un an de distance tout de même.
          Pour le nombre et les « oui, mais… » je suis, en partie, d’accord. Cependant, je veux croire, que chaque jour, nous pouvons grignoter du terrain. Généralement les « oui, mais… » sont de deux catégories : une minorité indécrottable, dont la plupart de ceux qui la composent mourront dans les prochaines années, et qu’il serait vain de convaincre et, les plus nombreux, les semi-ignares, car, ils n’ont qu’une version de l’histoire, souvent fausse et bancale. Ce sont ces derniers qu’il faut instruire avec force, constance et bienveillance. Ces quarante dernières années, des combats ont été gagnés sur les mentalités rétrogrades : abolition de la peine de mort, dépénalisation de l’homosexualité, mariage pour tous, etc. et pourtant, j’en ai entendu des « oui, mais… » et plus encore des « certainement pas ! » et en dépit de tout c’est advenu.

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