Mouvement d’éducation populaire à la mémoire partagée depuis 1998

BORDEAUX – BAYONNE – DAKAR – LA ROCHELLE – LE HAVRE – PARIS

NAPOLÉON / ESCLAVAGE – Un débat pour comprendre avec la Plateforme des opérateurs de mémoire…

Le 5 mai 2021 marquera le bicentenaire de la mort de Napoléon Bonaparte. Ce dernier a marqué l’histoire de France et du monde. Son rôle dans le rétablissement de l’esclavage en 1802 est de plus en plus connu.

Pourtant, certains admirateurs de Napoléon l’ignorent ou l’édulcorent (voir Hors-série Paris Match « La folie Napoléon »[1]). D’autres le minimisent en déclarant qu’à cette époque, tout le monde pratiquait l’esclavage. Enfin, certains détracteurs font de l’anachronisme en mélangeant les faits du passé et du présent.

Les raisons et circonstances du rétablissement de l’esclavage sont moins connues et sont souvent réduites à des simplifications (Joséphine, fille de propriétaires d’esclaves de la Martinique, aurait demandé à son époux Napoléon de rétablir l’esclavage).

Pour répondre aux très nombreuses questions posées sur ce sujet, la Plateforme nationale des  opérateurs de mémoire de l’esclavage, constituée des Anneaux de la Mémoire, de l’APECE (Association Pour l’Étude de la Colonisation Européenne), du CIFORDOM (Centre d’Information, Formation, Recherche et Développement pour les Originaires d’Outre-Mer), du CM98 (Comité Marche 23 mai 1998), de la Coque Nomade Fraternité, de Mémoires & Partages, de PROTEA, de la Route des abolitions et des Routes du Philanthrope, propose trois tables rondes sous la forme de webinaire ouvert au public, avec la participation des principaux spécialistes de la question de l’esclavage à l’époque de Napoléon.

NAPOLEON ET L’ESCLAVAGE : LE GRAND DEBAT

SAMEDI 8 MAI A 14H

EN LIGNE – Pour débattre avec les historiens, inscrivez-vous: https://zoom.us/webinar/register/WN_17ybdttHRSypmyjagdc90Q

Première table-ronde 14H00

Napoléon Bonaparte et le rétablissement de la traite négrière et de l’esclavage

La première table-ronde s’interrogera sur les raisons et les circonstances qui ont amené Napoléon Bonaparte à rétablir l’esclavage. Après son arrivée au pouvoir suite au coup d’état de novembre 1799, il trouve la situation suivante : l’esclavage est aboli dans la partie française de Saint-Domingue (actuel Haïti), en Guadeloupe et en Guyane ; il est maintenu à la Réunion et à l’Île de France (actuelle Île Maurice).

En octobre 1801, une révolte est menée en Guadeloupe par des « officiers de couleur » (Pélage, Delgrès, Ignace) et des « blancs jacobins » (la gauche républicaine de l’époque), et ceux-ci expulsent de l’ile le capitaine-général Lacrosse, dépositaire officiel du pouvoir nommé par Bonaparte. Un pouvoir provisoire s’installe en Guadeloupe. Il jure fidélité à la France, mais Lacrosse le décrit comme « terroriste » (partisan des Jacobins) et indépendantiste.

Les îles de Martinique, Sainte-Lucie et Tobago où l’esclavage avait été maintenu, sont restituées à la France après la signature du traité d’Amiens avec la Grande-Bretagne le 25 mars 1802. Le retour à la paix (dès octobre 1801 par la signature de préliminaires) permet à Napoléon d’envoyer à la Guadeloupe une expédition commandée par le général Richepance chargée de rétablir Lacrosse dans ses fonctions et de mettre au pas les rebelles. 

Richepance arrive le 6 mai 1802 en Guadeloupe. Tandis qu’une partie de « l’armée de couleur » se soumet aux ordres de Pélage (chef de brigade, métissé), le militaire le plus haut gradé de l’ile, l’autre, craignant le désarmement, se soulève sous la direction des officiers métissés Delgrès et d’Ignace. Ceux-ci sont vaincus les 26 et 28 mai 1802.

La loi du 20 mai 1802 maintient l’esclavage, là où il n’a pas été aboli, notamment en Martinique. La traite négrière est maintenue ou rétablie partout. Dès juillet 1802, Richepance rétablit de fait l’esclavage en Guadeloupe en encourageant des ventes d’esclaves, et le 16 juillet 1802, Napoléon Bonaparte entérine ce fait par un arrêté consulaire.

En Guyane, l’esclavage est rétabli progressivement par Victor Hugues, celui-là même qui l’avait aboli en Guadeloupe en 1794.

Au cours de cette table ronde, il s’agira de comprendre les rôles respectifs de Napoléon Bonaparte, de Denis Decrès (ministre de la marine et des colonies) et de Richepance dans le rétablissement de l’esclavage et les motivations de ce terrible choix.

Nous nous interrogerons sur les raisons et les circonstances qui ont amené Napoléon Bonaparte à rétablir l’esclavage, à savoir l’analyse du contexte colonial à son arrivée au pouvoir et des rapports de force entre mouvance abolitionniste et lobby colonial esclavagiste. Les positions et attitudes de Bonaparte (Malte, Égypte, Antilles…) sur la question ont-elles évolué dans les années 1798-1801 ? Le contexte des négociations de paix avec la Grande-Bretagne et la signature de la paix d’Amiens ont-ils un rôle dans ce processus ?

Nous analyserons tout le processus législatif de l’époque (Tribunat, Corps législatif, Sénat…) qui aboutit à la loi du 20 mai 1802 qui se conclura par le décret consulaire du 16 juillet 1802 rétablissant l’esclavage en Guadeloupe ainsi qu’à la conscription de quartier en Guyane du 7 novembre 1802, puis à la proclamation de rétablissement de l’esclavage dans cette colonie, le 29 mai 1803.

Modératrice Marion Godfroy (Paris)

Intervenants

Marcel Dorigny (Paris), spécialiste du mouvement abolitionniste

Frédéric Régent (Paris), spécialiste de l’histoire de l’esclavage Jean-François Niort, historien du droit

Eric Saugera (Nantes), spécialiste de l’histoire de la traite

Eric Saunier (Le Havre), spécialiste de l’histoire de la traite

Deuxième table ronde 16H30

Napoléon Bonaparte, Toussaint Louverture et Saint-Domingue (actuel Haïti)

La seconde table-ronde interrogera la relation entre Toussaint Louverture, général de division, noir affranchi, qui dirige Saint-Domingue (actuel Haïti) depuis 1797 et Napoléon Bonaparte qui prend le pouvoir en France par un coup d’état en novembre 1799.

Dans un premier temps 1799-1801, Napoléon Bonaparte reconnaît et compose avec le pouvoir de Toussaint Louverture. La rupture intervient en 1801, lorsque Toussaint Louverture proclame une constitution autonomiste à Saint-Domingue. Napoléon Bonaparte qui s’est débarrassé de tous les généraux rivaux en métropole, n’accepte pas ce général noir rival qui a imposé son pouvoir dans la plus prospère des colonies françaises. Le retour à la paix avec la Grande-Bretagne en 1801, permet à Napoléon Bonaparte de soumettre Toussaint Louverture.

Ce dernier, abandonné par ses lieutenants est vaincu. Malgré la promesse qui lui avait été faite de le maintenir sur sa propriété, il est déporté pour la France par général Leclerc, mari de Pauline Bonaparte, la sœur de Napoléon Bonaparte. Toussaint Louverture meurt au Fort de Joux, en avril 1803.

A Saint-Domingue, une nouvelle insurrection se prépare, rassemblant soldats noirs et « mulâtres » (métissés) sous le commandement de Dessalines et de Pétion. La fièvre jaune, le rétablissement de l’esclavage et la reprise de la guerre avec la Grande-Bretagne en 1803, entraînent la défaite du corps expéditionnaire de Rochambeau (successeur de Leclerc, mort de la fièvre jaune). Le 1er janvier 1804, la partie française de Saint-Domingue proclame son indépendance sous le nom d’Haïti.

Modérateur : Jacques Léon-Emile

Intervenants

Carolyn Fick (Montréal), spécialiste de la Révolution haïtienne

Bernard Gainot (Paris), spécialiste de la Révolution haïtienne

Philippe Girard (McNeese State University, Louisiane), spécialiste de la Révolution haïtienne

Philippe Pichot (Fort de Joux, Doubs), chef de projet Fort de Joux (lieu de déportation de Toussaint Louverture)

Enance Saint-Fleur (Université d’Etat d’Haïti), spécialiste de la Révolution haïtienne

Troisième table ronde 19H

Esclavage et ségrégation sous Napoléon

Il s’agira au cours de cette table ronde, de voir comment concrètement s’effectue le rétablissement de l’esclavage et le développement du préjugé de couleur en Guadeloupe et en Guyane après la perte de Saint-Domingue. Dans les colonies où l’esclavage a été maintenu, (Martinique, Réunion devenue Île Bonaparte, puis Île Napoléon, Île de France) la ségrégation juridique se renforce entre blancs et libres de couleur. Les affranchissements effectués entre 1789 et 1794 sont annulés. Nous verrons aussi comment le Code civil a été appliqué dans les colonies. Ainsi, le mariage entre blancs et libres de couleur, la reconnaissance, l’adoption, la tutelle d’un enfant de couleur par un blanc étaient interdits, de même que la donation et le testament d’un blanc au bénéfice d’un libre de couleur. Dans les colonies, les mariages mixtes, encore nombreux sous l’Ancien Régime, disparaissent.

En France métropolitaine, un arrêté du 29 mai 1802 éloigne de Paris les officiers, sous-officiers ou soldats de couleur. Un autre arrêté du 2 juillet 1802 interdit l’accès, sauf autorisation exceptionnelle, du territoire métropolitain aux noirs et métissés. Une circulaire du 8 janvier 1803 interdit en métropole les mariages entre noirs et blancs en tolérant ceux entre blancs et métissés.

La représentation des personnes de couleur noire se modifie. Le discours sur la hiérarchie des races se développe. Il s’agira de voir l’impact de cette politique coloniale sur le discours scientifique de l’époque.

Finalement, faute de soldats, Napoléon finit par perdre son empire colonial entre 1808 et 1810.

Modérateur : Erick Noël (Martinique)

Intervenants

Cécilia Elimord (Paris), spécialiste de l’histoire religieuse des Antilles sous Napoléon

Joseph de la Haussaye (Harvard), spécialiste de l’histoire coloniale

Bruno Maillard (Réunion), spécialiste de l’histoire de la Réunion

Sue Peabody (Etats-Unis), spécialiste de la Police des Noirs et de l’histoire de la Réunion

Pierre Serna (Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne)

Lionel Trani (Paris), spécialiste de l’histoire de la Martinique sous Napoléon

Le grand témoin littéraire, Léonora Miano proposera une conclusion à cette journée à l’issue de cette 3e table ronde.

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