Mouvement d’éducation populaire à la mémoire partagée depuis 1998

BORDEAUX – BAYONNE – DAKAR – LA ROCHELLE – LE HAVRE – PARIS

LETTRE OUVERTE AU MAIRE DE BORDEAUX – « Faut-il débaptiser les rues de négriers? » par Karfa DIALLO

Monsieur Alain JUPPE

Maire de BORDEAUX

Ancien Premier Ministre

ObjetFaut-il débaptiser les rues de négriers à Bordeaux?

Pour une mémoire partagée de la traite des noirs et de l’Esclavage

Monsieur le Maire,

Les récents événements de Charlottesville ont démontré la conscience vive des vestiges de l’histoire de l’esclavage et de la traite des noirs. Le Conseil de Paris vient de décider le retrait de l’enseigne « le Nègre Joyeux ».

Depuis 2009, notre organisation a ouvert, en France, le débat sur la signalétique urbaine en référence à ce crime contre l’humanité et sur le bien-fondé de la persistance de ces noms de rues qui sont ainsi une offense aux victimes et aux résistants de l’esclavage mais surtout une atteinte aux valeurs de la République.

En 2001, le Parlement français a adopté à l’unanimité la loi reconnaissant que la traite des Noirs et l’esclavage constituent un crime contre l’humanité. Et, en 2010, le Sénégal a aussi voté la première loi en Afrique qui déclare l’esclavage et la traite des noirs comme crimes contre l’humanité. Pourtant aujourd’hui encore de nombreuses rues portent les noms d’armateurs négriers et d’esclavagistes, honorant ainsi leur mémoire comme autant de fiertés et de mérites au fronton de nos villes. Cependant, qu’en participant à cet infâme trafic, ils sont devenus des criminels au regard de l’humanité et du droit.

Face à ceux qui veulent débaptiser ces rues, notre conviction demeure que la pédagogie la plus efficace soit de donner du sens à ces lieux par l’apposition de panneaux explicatifs dans les rues concernées. Ainsi nul n’oublierait le crime et il serait indiqué pourquoi on honore la personne éponyme, mais également cela montrerait le respect dû à la mémoire des victimes de ce crime contre l’humanité et des combattants de la liberté.

Il s’agit pour nous d’engager un travail de mémoire apaisé, loin de toute repentance, en vue de redonner plus d’intégrité à la signalétique urbaine. Les nombreuses actions sociales et culturelles que nous engageons depuis 1998 en témoignent assez. Avec les outils de l’éducation populaire à la mémoire partagée, nous investissons autant la mémoire de l’esclavage colonial que les formes d’exploitation contemporaine et les séquelles liées au racisme et aux discriminations.

Notre association, comme vous le savez, a engagé un dialogue inédit avec des descendants d’armateurs et nous avons participé à toutes les initiatives de la ville de Bordeaux autour de la pédagogie sur la mémoire de l’esclavage.

Pour autant, les enquêtes et sondages démontrent l’insuffisance de l’investissement municipal sur une question majeure de reconnaissance, de lien et d’intégration socio-politique.

Premier port colonial et deuxième port négrier, Bordeaux est, ainsi, la ville qui concentre le plus grand nombre de vestiges de l’esclavage colonial. Les rues sont à Bordeaux: Cours Balguerie, rue Broca, Cours Portal, rue Saige, rue David Gradis, rue Gramont, Pl Lainé, rue Colbert, rue de la Béchade, rue Bethman, rue Desse, Place Mareilhac, Cours Journu-Auber, Passage Sarget, Passage Féger, Place Ravezies, rue Daniel Guestier, Place John Lewis Brown, rue De Kater, Place Johnston, rue Fonfréde et rue Baour.

Mon association serait heureuse de vous rencontrer et d’envisager les moyens de contribuer à la réflexion sur la réparation de cet oubli.

En espérant une suite favorable recevez toute ma considération.

Karfa Diallo

Fondateur- Directeur

  • Commémoration du 10 mai 2014, Ville de Cenon, Discours du Préfet Michel Delpuech, en compagnie du Maire de Cenon, Alain David, du Consul Général du Sénégal, Mbaye Lo Tall et de Karfa Diallo

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