Mouvement d’éducation populaire à la mémoire partagée depuis 1998

BORDEAUX – BAYONNE – DAKAR – LA ROCHELLE – LE HAVRE – PARIS

CÉRÉMONIE FÉT KAF BORDEAUX – Le discours d’un Réunionnais de Bordeaux

En présence de jeunes élèves et de réunionnais.e.s résident.e.s en Gironde, ce mardi 20désamb 2022, dans les Jardins de l’Hôtel de Ville Bordeaux.

Avec les discours de Laurent Guillemin adjoint au maire de Bordeaux, de l’artiste sculpteur Sandrine Plante, de Karfa Diallo, fondateur-directeur de Mémoires & Partages et Conseiller Régional Nouvelle-Aquitaine, Jean Labache, membre du Conseil d’administration de Mémoires & Partages a fait le discours de la FétKaf dont nous avons encore pris la responsabilité cette année

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LE DISCOURS DE JEAN LABACHE

174ème anniversaire de l’abolition de l’esclavage à La Réunion

En ce 20 décembre 2022, 174 ans après l’abolition de l’esclavage à l’île de la Réunion, c’est la 1ére fois que cette mémoire nous rassemble, ici, à Bordeaux, dans le jardin de l’hôtel de ville.

Devant l’œuvre de la Réunionnaise, Madame Sandrine Plante-Rougeol évoquant un arbre auquel sont suspendues trois têtes d’hommes, ces « fruits étranges », représentent trois émotions : la peur, la douleur et l’abandon.

La reconnaissance de ces souffrances nous amène ici à commémorer. Et c’est ensemble que nous commémorons. C’est ensemble que nous faisons ce voyage vers le passé. Parce que pour comprendre notre présent, il est nécessaire de faire un bref voyage dans le temps. Et pendant longtemps, trop longtemps, les faits sont restés cachés et les plaies enfouies dans la mémoire des descendants.

J’appartiens à cette génération à laquelle, au collège, le professeur d’histoire nous enseignait que nos ancêtres étaient des gaulois. Un passé donc, qui nous unis, afin que nous accomplissions ensemble, ce travail indispensable pour la vérité et contre l’oubli. La puissance du souvenir, couplée au refus de l’oubli sont un rempart contre l’aliénation, d’un individu dépossédé de lui-même par la soumission de son existence à un ordre de chose auquel il participe mais qui le domine, lutter contre le fait de devenir étranger à soi-même et étranger dans son propre pays.

Comme vous le savez, à l’île de la réunion, la diversité ethno culturelle permet à tout individu de pouvoir se réclamer d’identités multiples. Un Réunionnais peut ainsi se référer dans l’île à un groupe nommé cafre, chinois, malbars, z’arabe, yab ou encore créole. La migration est le lieu par excellence où l’identité peut être ébranlée, remaniée, revisitée, recomposée, tant par la pression exercée par l’affect que par la nécessité, en vue de l’insertion, de la mise en place de stratégie sociale ou politique.

La commémoration que nous célébrons aujourd’hui, l’abolition de l’esclavage à l’île de la Réunion, nous rappellent que nous devons combattre ces poisons mortels que sont le racisme et les discriminations.

A cet instant, je pense très fort à Cimendef, Dimitile, Mafate, ces esclaves rebelles, héros du marronnage de notre histoire Réunionnaise, qui épris de liberté ont donné postérieurement leur nom à nos montagnes à l’ile de la Réunion et qui nous appellent à nous élever, « de refuser de baisser les bras et de ne pas faillir. Car dans la vie, et particulièrement dans les moments où le doute ou l’hésitation s’installent dans les esprits.

Il n’y a qu’une façon de lutter contre le ressentiment : penser et agir, dire et faire comme ces esclaves eux-mêmes l’ont prouvé en contestant un ordre injuste et inhumain, en voulant devenir libres et en résistant à la servitude. Face à cette humanité qu’on leur niait, ils se sont forgé une culture, une spiritualité propre. Leur combat où les chaînes ont été définitivement brisées, représentent aujourd’hui des symboles, les symboles de la République qui brisent nos chaînes invisibles, qui balaient d’un souffle les discriminations, qui affirment que la valeur d’une femme, d’un homme ne se juge pas à la couleur de sa peau.

Car c’est bien au nom de ces valeurs de liberté, d’égalité et de fraternité que des hommes et des femmes se sont élevés, à La Réunion et dans tout le pays, pour prendre part à l’abolition définitive de la traite négrière et de l’esclavage en 1848.

Cette abolition, c’est la victoire de nos ancêtres, c’est la victoire de la République.

C’est votre héritage, c’est notre héritage, c’est mon héritage. Il n’y a pas d’un côté l’histoire des uns et de l’autre côté l’histoire des autres. La République ne connaît qu’une seule Histoire, celle qui nous unit  dans un destin commun. C’est le message qu’a souhaité proclamer au monde la France en adoptant la loi du 21 mai 2001 reconnaissant l’esclavage comme crime contre l’humanité.

C’est aussi le rôle du travail de mémoire, de l’association « Mémoires et partage » à travers la constitution de lieux de mémoire comme ici, un lieu qui constitue une nouvelle étape de la connaissance et de la reconnaissance de ce pan si important de notre Histoire.

Nous devons la faire vivre au nom de nos chers disparus et nous engager à ce que l’île de la Réunion et la ville de Bordeaux demeurent ces territoires de célébration de la diversité et de la tolérance.

Mesdames et Messieurs, je souhaite faire résonner l’écho des voix de nos chers disparus, puissent-ils m’entendre, en clamant haut et fort :

Vive La Réunion, Vive la République, Vive la France.

Jean Labache, 20 décembre 2022, Bordeaux

IMAGES DE LA CÉRÉMONIE COMMÉMORATIVE DEVANT L’OEUVRE « STRANGE FRUIT » DE SANDRINE PLANTE

IMAGES DE LA SOIRÉE #FETKAF DU 17 DECEMBRE A LA GUINGUETTE CHEZ ALRIQ

CONFÉRENCE DE JÉRÉMY BOUTIER « ESCLAVAGES, ENGAGISMES ET CITOYENNETÉS A L’ILE DE LA RÉUNION » – SOIRÉE MUSICALE ET FESTIVE

Mémoires & Partages remercie Jérémy Boutier et les quatre groupes qui se sont produits : Kèr Marone, Dalonaz Maloya, Fenoamby et Ceka. Ainsi que la Guinguette Alriq et l’Espace Darwin

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